dimanche 31 mai 2009

Colloque sentimental


Brume du soir dans le parc de Versailles


Colloque sentimental

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?

— Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C'est possible.

— Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
— L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Paul Verlaine, Fêtes galantes

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samedi 30 mai 2009

Un peu de douceur...


En attendant la suite, on fait le plein de douceur...

Cocoon - Chupee



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mercredi 27 mai 2009

C'est quoi ton nom d'acteur/trice porno ?



Femme chat - Yvo Jacquier


Il parait que le nom d'acteur/trice porno se forme ainsi :
1- Ton deuxième prénom
2- Le nom de ton premier animal de compagnie
Ayant grandi à la campagne, j'ai dû avoir un bon gros lot d'animaux de compagnie... Mais le premier dont je me souvienne est un chat (ou plutôt une chatte) de gouttière, pas franchement beau, gris et blanc, et qui portait comme petit nom... Bigoudi...!

Il en résulte donc le doux nom de Christine Bigoudi, actrice porno !

Ca en jette, non ?! Là, comme ça, avec un nom pareil d'actrice, je ne vois pas pourquoi vous ne crèveriez pas d'envie de voir un des mes films...!!


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dimanche 24 mai 2009

Le cancre


Prévert par Doisneau
Prévert par Doisneau

Le cancre

Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.

Jacques Prévert, Paroles
© Éditions Gallimard

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vendredi 22 mai 2009

Un rhinocéros amoureux...


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?


Coup de coeur de la matinée ! Le titre est déjà tellement chouette que l'on n'a qu'une seule envie : dévorer le livre !

Un rhinocéros, ça fait souvent la tête... et puis ce n'est pas très joli... Mais ce rhinocéros-là est amoureux... Et si on regarde bien, on peut apercevoir un petit sourire au milieu de toutes ses rides... Mais le rhinocéros est amoureux d'un colibri... et un colibri, c'est tout petit... contrairement au rhinocéros... mais ce n'est pas grave, on n'a pas besoin de se ressembler pour s'aimer !

Un texte tout doux, tout mignon, tout rigolo... et des illustrations toutes douces aussi, sur des tons pastels super chouettes... Il ne vous reste plus qu'à courir le découvrir !

Un petit album pour les 3-5 ans... et pour les plus grands !


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?


Un rhinocéros amoureux pèse-t-il plus lourd qu'un rhinocéros tout court ?
Texte de Alex Cousseau, illustrations de Nathalie Choux
Éditions Sarbacane, 2007 - 12€


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jeudi 21 mai 2009

Vernon Sullivan, enfant terrible


« Sexuellement, c'est-à-dire avec mon âme »
Boris Vian, L'Herbe rouge


Boris Vian à Toulouse - Photo de Jean Dieuzaide, 1948
Boris Vian à Toulouse - Photo de Jean Dieuzaide, 1948


Ma bibliothèque ne serait pas ce qu'elle est si elle ne contenait pas J'irai cracher sur vos tombes de Vernon Sullivan... autrement dit de Boris Vian.

Ce roman, rédigé en deux semaines seulement, en août 1946 et publié en novembre de la même année, devient le bestseller de l'année 1947. Il est alors signé Vernon Sullivan. Boris Vian, fan de jazz et de romans noirs américains (il a notamment traduit Raymond Chandler), revendique le fait d'en être uniquement le traducteur. Et la supercherie va durer quelques temps. Le problème, en effet, est que le roman est "un poil" violent, et à la limite du porno. Certaines scènes — séquences érotiques, violence physique et morale — sont écrites crûment, et ne peuvent laisser indifférent.
« Il faut déplorer qu'il se soit trouvé en France un traducteur et une firme pour diffuser cette incivilité sénile et malhonnête. C'est sur le livre qu'on peut cracher. »
Ce genre d'entrefilets dans la presse réjouissent auteur et éditeur. Mais le succès tant attendu n'est pas au rendez-vous... Boris Vian et son éditeur forcent alors encore plus la publicité autour du livre, contactent tous les journaux. Et les critiques commencent à se poser des questions... Ce traducteur s'implique bien trop pour le succès de cet ouvrage... étrange... La rumeur enfle et on ne tarde pas à deviner la supercherie.

En février 1947, Da­niel Par­ker, président du Cartel d'action morale, porte plainte pour outrage aux bonnes moeurs contre l'au­teur et l'édi­teur de ce petit ou­vrage d'à peine deux cents pages. Les ventes s'envolent... Le succès tant attendu est enfin là... mais à quel prix ? Vian est harcelé de questions par les journalistes, il est attaqué de tous côtés. Il se défend toujours d'être l'auteur :
« Je suis trop chaste et trop pur pour écrire de telles choses. [...] J'ai fait une traduction qui est à peu près écrite en français (pas académique, certes, mais honnête). Mais j'avais pris la peine dans cette première préface, grappée au coin de l'esprit commercial le plus écoeurant, d'avertir les intéressés. De leur dire (ce qu'ils veulent continuer à ignorer) qu'un éditeur c'est un marchand de livres » Il maintient que « pour qui connaît les habitudes de Monsieur Gide, La porte étroite est un titre beaucoup plus scandaleux que J'irai cracher sur vos tombes. »
Mais fin mars 1947, un nouveau fait divers alimente encore la controverse : les journaux dévoilent qu'un ancien milicien, Émile Rouget, a assassiné sa maîtresse avant d'aller se pendre dans la forêt de Saint-Germain.

Près du cadavre, il a laissé J'irai cracher sur vos tombes ouvert à la page où le héros tue sa maîtresse de la même façon — par strangulation. Vian est accusé d'être « un assassin par procuration ». Les ventes du « roman qui tue » s'envolent de plus belle.

Bien qu'il ait fortement souhaité ce genre de publicité pour faire de son roman un bestseller, Vian commence à être inquiet. Il doit prouver une bonne fois pour toutes qu'il n'est pas Vernon Sullivan. La meilleure preuve serait de donner au public le texte original. Il entreprend donc la traduction de son propre texte en anglais-américain... « Ça me fait thème et version réunis, c'est formidable », annonce-t-il faussement enjoué aux amis.

Daniel Parker est têtu, et il lance une nouvelle plainte en août 1948 à l'encontre de J'irai cracher dont la traduction anglaise vient de paraître sous le titre I Shall Spit on Your Graves. Publication bien inutile... Fin juillet 1949, un ar­rê­té mi­nis­té­riel condamne la vente de J'irai cracher sur vos tombes.
« Songez que ce livre a eu quand même énormément de lecteurs et qu'il a suffi d'une plainte d'une personne pour le faire interdire. Et on affirme qu'on vit en régime de majorité ! » Boris Vian

Lee Anderson, vingt-six ans, a quitté sa ville natale pour échouer à Buckton où il devient gérant de librairie. Il sympathise dans un bar avec quelques jeunes du coin. Grand, bien bâti, payant volontiers à boire, Lee, qui sait aussi chanter le blues en s'accompagnant à la guitare, réussit à séduire la plupart des adolescentes. Un jour il rencontre Dexter, le rejeton d'une riche famille qui l'invite à une soirée et lui présente les soeurs Asquith, Jean et Lou (17 et 15 ans), deux jeunes bourgeoises avec "une ligne à réveiller un membre du Congrès". Lee décide de les faire boire pour mieux les séduire... et poursuivre son sinistre dessein.

C'est le récit d'une vengeance, une dénonciation du racisme et de l'intolérance... Ce roman, tout comme les trois autres signés Vernon Sullivan, ne ressemble en rien à l'écriture des romans "officiels" de Vian. Il est noir, violent, terre à terre. Le héros accomplit sa vengeance froidement calculée à coup de parties de sexe totalement débridées. Lee Anderson fait froid dans le dos.

J'ai découvert J'irai cracher sur vos tombes après être tombée en admiration devant L'écume des jours et L'arrache-coeur. Je devais avoir 16 ans. Je me souviens l'avoir énormément apprécié, mais avoir ressenti un sentiment de malaise à plusieurs reprises. Je l'ai relu dimanche après-midi, d'une seule traite... Et contrairement à L'écume des jours que je n'ai pas réussi à relire récemment, je l'ai dévoré.

Ce livre est un pur bijou...


Boris Vian sur Le chemin des aiguilles :
Sperme de flamand rose

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dimanche 17 mai 2009

L'amour est un mystère plus insondable que la mort


Uluru — Parc National de Uluru-Kata Tjuta (Australie)
Uluru — Parc National de Uluru-Kata Tjuta (Australie)


Tonton Andrew va vous raconter une légende australienne vieille comme le monde, à savoir celle du grand serpent Bubbur et de Walla.

Ils se penchèrent vers lui, et Andrew exprima son contentement en tétant bruyamment le cigare qu'il s'allumait.


« Il était une fois un jeune guerrier qui s'appelait Walla, et qui était très amoureux d'une jeune et jolie femme qui s'appelait Moora. Et ce sentiment était réciproque. Walla avait réussi à s'acquitter des rites d'initiation de sa tribu, il était dorénavant un homme qui pouvait épouser n'importe quelle femme de la tribu, du moment que celle-ci n'était pas déjà mariée, et qu'elle voulait bien de lui. Et c'était le cas de Moora. Walla eut beaucoup de mal à quitter sa bien-aimée, mais la tradition voulait qu'il parte pour une partie de chasse dont le produit serait offert aux parents de la mariée, de telle sorte que le mariage puisse être célébré. Un beau matin, alors que la rosée couvrait encore les feuilles, Walla se mit en route. Moora lui donna une plume blanche de cacatoès, qu'il s'attacha dans les cheveux.

Pendant que Walla était absent, Moora partit chercher du miel pour la fête. Elle avait cependant du mal à en trouver, et elle dut davantage s'éloigner du camp que d'habitude. Elle finit par arriver dans une vallée pleine de grosses pierres. Il y régnait un silence étrange, et on n'entendait pas le moindre oiseau, pas le moindre insecte. Elle était sur le point de partir quand elle aperçut un nid qui contenait quelques gros oeufs blancs, les plus gros qu'elle ait jamais vus. « Il faut que je les prenne pour la fête », se dit-elle, et elle tendit la main vers les oeufs.

Au même instant, elle entendit un gros truc glisser sur les pierres, et avant même d'avoir le temps de s'en aller, ou même d'ouvrir la bouche, un énorme serpent marron et jaune s'enroula autour de sa taille. Elle se débattit, mais n'arriva pas à se libérer, et le serpent se mit à serrer. Moora leva les yeux vers le ciel bleu, au-dessus de la vallée, et essaya de crier le nom de Walla, mais elle n'avait plus assez d'air dans les poumons pour y arriver. L'étreinte du serpent se resserrait encore et encore, et toute la vie finit par quitter le corps de Moora, dont pas un seul os ne restait intact. Le serpent retourna alors en rampant dans les ténèbres d'où il était venu — où on ne pouvait le voir à cause de ses couleurs qui se confondaient avec les arbres et les pierres de la vallée, entre lesquels la lumière jouait.


Yurlunggur, le grand python sacré - Binyinyuwuy
Yurlunggur, le grand python sacré - Binyinyuwuy, 1960
Peinture sur écorce - Musée du quai Branly


Il s'écoula deux jours avant qu'ils ne retrouvent le corps brisé de Moora, entre les rochers de la vallée. Ses parents étaient inconsolables, sa mère pleurait et demandait au père ce qu'ils devraient dire à Walla quand celui-ci rentrerait de la chasse.

Le feu de camp était sur le point de s'éteindre quand Walla rentra de la chasse, le lendemain à l'aube. Même si l'aventure avait été éprouvante, ses pas étaient légers et ses yeux étincelaient de joie. Il alla voir les parents de Moora, qui étaient assis près du feu, et qui ne disaient mot. « Voici ce que je vous ai rapporté », leur dit-il. La chasse avait été bonne, il ramenait un kangourou, un wombat et les cuisses d'un émeu.
— Tu arrives à temps pour l'enterrement, Walla, toi qui aurais dû être notre fils, lui dit le père de Moora.
Walla eut l'air d'avoir été frappé, et il arriva tout juste à dissimuler sa peine et sa douleur ; mais en guerrier endurci qu'il était, il retint ses larmes et demanda, d'une voix qui ne trahissait rien :
— Pourquoi ne l'avez-vous pas déjà enterrée ?
— Parce qu'on ne l'a retrouvée qu'aujourd'hui, lui répondit le père.
— Dans ce cas, je vais la suivre et réclamer son esprit. Notre wirinun peut guérir ses os brisés, à la suite de quoi je réinsufflerai la vie en elle.
— C'est trop tard, lui dit le père. Son esprit est déjà parti à l'endroit où vont tous les esprits des défuntes. Mais celui qui l'a tuée est toujours en vie. Tu sais quel est ton devoir, fils ?

Python des roches - Midjau-Midjawu
Python des roches - Midjau-Midjawu
Peinture sur écorce - © Musée du quai Branly


Walla les quitta sans piper. Il habitait dans une grotte, avec les autres hommes célibataires de la tribu. Il ne leur parla pas à eux non plus. Plusieurs mois passèrent sans que Walla ne participe ni aux chants ni aux danses, restant juste seul. Certains pensaient qu'il avait endurci son coeur pour tenter d'oublier Moora. D'autres pensaient plutôt qu'il prévoyait de suivre Moora au royaume des mortes. « Il n'y arrivera jamais, disaient-ils. Il y a un endroit pour les femmes, et un pour les hommes. »

Une femme les rejoignit près du feu. « Vous vous trompez, dit-elle. Il est simplement plongé dans ses pensées, et cherche le moyen de venger la femme qu'il aime. Vous croyez peut-être qu'il n'y a qu'à attraper une lance et aller tuer Bubbur, le grand serpent brun et jaune ? Vous ne l'avez jamais vu, mais moi, je l'ai vu une fois, quand j'étais jeune, et c'est depuis ce jour-là que mes cheveux sont blancs. C'était la vision la plus effrayante qui se puisse imaginer. Croyez-moi, il n'y a qu'un moyen de vaincre Bubbur, c'est par la ruse et le courage. Et à mon sens, ce jeune guerrier n'en manque pas. »

Le lendemain, Walla se rendit près du feu. Ses yeux brillaient, et il avait presque l'air de bonne humeur lorsqu'il demanda qui voulait venir recueillir du caoutchouc avec lui.
— On en a déjà, répondirent-ils surpris de la bonne humeur de Walla. On peut t'en donner.
— Je veux en avoir du frais, dit-il.
Il rit en voyant leurs visages ahuris, et il leur dit :
— Venez avec moi, et je vous montrerai à quoi je veux employer ce caoutchouc.

Snake dreaming - Peter Blacksmith Japanangka
Snake dreaming - Peter Blacksmith Japanangka, 1986
Acrylique sur panneau composite - National Gallery of Victoria, Melbourne


Ils le suivirent, curieux, et une fois le caoutchouc recueilli, il les emmena dans la vallée aux grosses pierres. Il construisit une plateforme en haut du plus grand arbre et pria les autres de se retirer à l'entrée de la vallée. Il invita son meilleur ami au sommet de l'arbre, et ils se mirent à crier le nom de Bubbur, au milieu des échos que renvoyaient les versants, et sous le soleil qui montait dans le ciel.

Tout à coup, il fut là — une énorme tête brune et jaune qui oscillait en tous sens, à la recherche de l'origine de ces bruits. Autour grouillaient de plus petits serpents marron et jaunes, à l'évidence sortis des oeufs qu'avait vus Moora. Walla et son ami pétrirent le caoutchouc en grosses balles. Lorsque Bubbur les aperçut dans l'arbre, il ouvrit la gueule, fit jouer sa langue et s'étira vers eux. Le soleil était à son zénith, et la gueule blanche et rouge de Bubbur étincelait. Au moment où il attaqua, Walla envoya la plus grosse des balles de caoutchouc droit dans l'ouverture béante, et le serpent referma instinctivement les mâchoires, de telle sorte que ses dents s'enfoncèrent profondément dans le latex.

Bubbur se mit à rouler sur le sol, mais ne parvint pas à se débarrasser du caoutchouc qui s'était coincé dans sa gueule. Walla et son ami réussirent le même exploit avec tous les petits serpents qui furent bientôt neutralisés, ayant tous la gueule scellée. Walla appela alors les autres hommes qui ne montrèrent aucune pitié et éliminèrent tous les serpents. Bubbur avait tué rien moins que la plus belle fille de la tribu, et ses descendants auraient un jour pu devenir aussi gros que leur mère, en arrivant à l'âge adulte. Depuis ce jour-là, le serpent marron et jaune tant redouté est rare en Australie. Mais la peur des hommes l'a rendu plus long et plus gros année après année. »

Andrew termina son gin-tonic.
— Et quelle est la morale ? demanda Brigitta.
— Que l'amour est un mystère plus insondable que la mort. Et qu'il faut se méfier des serpents.
Andrew paya les boissons, encouragea Harry en lui donnant une tape dans le dos, et s'en alla.



Extrait du roman L'homme chauve-souris de Jo Nesbø
Gallimard (Folio policier), 2008 - pp.114-119


Devil’s Marbles, Australie
Devil’s Marbles, Australie - Gros rochers de granit rose qui
seraient, selon des croyances Aborigènes, les œufs de Serpent Arc-en-Ciel.


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vendredi 15 mai 2009

À la bonne votre !




La désormais très fameuse loi Hadopi (rhôoo comme ça va trop booster mon référencement google...) a été adoptée. Il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer... et les verres pour trinquer ! Figurez-vous qu'un vigneron languedocien, geek à ses heures, vient de sortir sa cuvée Hadopi... Chacun exploite la chose comme il peut...!

S'il faut, il n'est même pas bon, son vin...
» www.berenas.com
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lundi 11 mai 2009

Mayday... mayday...


Colonie d'abeilles


Pendant dix jours, il a fait un temps de chiottes, il a fait gris, il a plu tant et si bien que tout le monde en était venu à se dire qu'il ne ferait plus jamais beau et que la fin du monde était arrivée... Bon. Puis le soleil a timidement pointé le bout de son museau, la chaleur est arrivée. On peut enfin vivre avec toutes les fenêtres ouvertes... respirer le petit air frais du soir... le régal quoi... Sauf que...

... Sauf qu'une colonie d'abeilles est venue squatter mes fenêtres... Résultat : j'ai dû tout fermer et rester à crever de chaud devant mes fenêtres... Tu le crois, ça ?!

J'ai mis quelques photos en dessous pour expliquer ma détresse (vous conviendrez tout de même que la vue que j'ai de mes fenêtres est des plus charmantes...), il suffit simplement de cliquer dessus :


Colonie d'abeilles


Colonie d'abeilles


Colonie d'abeilles


Colonie d'abeilles


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dimanche 10 mai 2009

Il n'y a pas d'amour heureux


Tombeau des amants de Teruel
Tombeau des amants de Teruel - Teruel, église San Pedro

Il n'y a pas d'amour heureux

Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
         Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
         Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
         Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
         Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
         Il n'y a pas d'amour heureux
         Mais c'est notre amour à tous les deux


Louis Aragon, La diane Française, Seghers 1946

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lundi 4 mai 2009

Benjamin Button et son étrange histoire


L'étrange histoire de Benjamin Button


La première fois que le Bûcheron m'a parlé du film L'étrange histoire de Benjamin Button, j'ai haussé les épaules en lui répondant que décidément, ces cons de cinéastes ne savaient plus qu'inventer... et que le fait que Brad Pitt en soit le personnage principal n'en était pas forcément un gage de qualité. Je ne suis pas une grande adepte de cinéma.

Ce que je ne savais pas, c'est que L'étrange histoire de Benjamin Button est une nouvelle écrite par Francis Scott Fitzgerald. Eh oui... Et si j'avais été un peu plus curieuse à la sortie du film, si j'avais lu quelques papiers dans la presse, peut être l'aurais-je appris à ce moment-là... J'imagine que quelques journalistes ont dû l'évoquer. Je l'espère. Et l'édition étant ce qu'elle est, Gallimard s'est empressé de publier cette nouvelle dans la collection Folio 2€, l'extrayant donc de son recueil original Les enfants du jazz. M'enfin, on ne va pas s'en plaindre, je n'aurais pas acheté le recueil...

Tout ça pour dire que je suis tombée — plus ou moins — par hasard sur ce petit Folio 2€, qu'il a atterri dans mon petit panier, et que j'en ai même profité pour le lire. Si, si. Hier soir. Je venais de terminer Voyage au bout de la nuit, et j'avais besoin de lire quelque chose d'un peu moins noir et d'un peu plus léger.

L'histoire est donc celle d'un bébé qui nait avec l'apparence d'un homme de 70 ans. Il n'a pas uniquement le visage ridé, il a la taille d'un homme de 70 ans. Alors déjà, moi, je ne vois pas bien comment une femme peut accoucher d'un homme d'un mètre quatre vingt, mais passons... Il rencontre donc quelques "petites" difficultés dûes à son apparence, et contrairement au commun des mortels, il ne vieillit pas, il rajeunit. Plus il avance dans sa vie, plus il rapetisse. Il finit donc enfant puis bébé, "élevé" par son fils qui en a honte et qui le rejette. Oui parce qu'il a eu un fils, il a même eu une épouse... Hildegarde, qu'elle s'appelle, l'épouse... C'est un peu moins glamour que Daisy, vous en conviendrez... Et l'histoire d'amour entre ces deux êtres semble être largement moins passionnelle que dans le film de David Fincher.

On ne sait finalement pas grand chose sur ce Benjamin Button. Sa mère, qui a semble-t-il survécu à l'accouchement (— Le bébé est-il né ? — Eh bien, oui, sans doute... si l'on veut. — Ma femme va bien ? — Oui. — Est-ce un garçon ou une fille ? — Suffit ! Je vous prierai d'aller vous en rendre compte par vous-même. Intolérable !), est totalement absente du récit. Benjamin — qui a manqué s'appeler Mathusalem — est élevé par son père qui en a largement honte. Plus il rajeunit, plus son père vieillit, et mieux ils se comprennent et s'entendent. Benjamin a des aventures, il se marie et a un fils... mais un fossé se creuse rapidement entre son épouse et lui ; il a rapidement honte de s'afficher en public avec elle puisqu'elle vieillit, au contraire de lui. Il finit donc sa vie chez son fils, qui lui demande de l'appeler « Mon Oncle », et joue avec son petit-fils. Voilà voilà.

Je me suis juste ennuyée à mourir à lire ces quelques quarante-cinq pages. Allez savoir quel besoin Fitzgerald a eu d'aller inventer une histoire pareille... Ça n'engage que moi, mais je trouve cette idée stupide. Vraiment stupide.


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dimanche 3 mai 2009

Le bon conseil de Victor



Dessin de Quentin Blake

Bon conseil aux amants

L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké.
Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué,
Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ;
On met le naturel de côté ; bête brute,
On se fait ange ; on est le nain Micromégas ;
Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ;
On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie,
On trouve bon le givre et la bise et la pluie,
On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ;
Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci :

Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d’une fée, et l’envie
Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut.
L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrouski.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et, quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre.
Comment passer le temps quant il neige en décembre,
Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ?
L’ogre se mit alors à croquer le marmot.
C’est très simple ; pourtant c’est aller un peu vite,
Même lorsqu’on est ogre et qu’on est Moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d’un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d’enfant. On s’informe ;
La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme :
— As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : « Je l’ai mangé. »

Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien.


Victor Hugo, Toute la lyre - 1861

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vendredi 1 mai 2009

Les femmes qui lisent sont dangereuses - 4


Henry Lamb [ The artist's wife ] 1933
Henry Lamb - The artist's wife, 1933


PROJET

D'UNE

LOI

PORTANT DÉFENSE

D'APPRENDRE À LIRE AUX FEMMES

Par S**-M***



À PARIS,

Chez MASSE, Éditeur, rue Helvétius, nº. 580.




AN IX. 1801.



Quatrième partie
(Re)lire la troisième partie
(Re)lire la deuxième partie
(Re)lire la première partie



... suite (et fin) du texte de la loi...


XL.

Les maîtresses de maison pourront coudre un vêtement, pour l'offrir à titre de reconnaissance ou de cadeau à l'homme de lettres, dont elles auront entendu, pendant leurs veillées, un ouvrage rempli de sentimens vertueux et de talent.

La bonne madame Geoffrin, l'amie de d'Alembert, en agissait ainsi; elle faisait présent de hauts-de-chausses de velours aux auteurs qui l'avaient intéressée par leurs lectures.

XLI.

La Raison veut que chaque bal soit précédé par quelques heures d'un travail à l'aiguille ou au fuseau.

XLII.

La Raison interdit aux femmes les livres d'église: n'ont-elles pas le chapelet et le rosaire?

XLIII.

La Raison veut que les femmes, absolument étrangères aux misérables disputes des prêtres, s'en tiennent à la religion du cœur, et ne confessent leurs fautes qu'aux auteurs de leurs jours, ou à leurs maris, seuls juges compétens.

XLIV.

La Raison invite ceux qui prennent quelqu'intérêt à la dignité des lettres, à dissuader les femmes d'envahir un champ qu'elles n'ont point la force de cultiver, comme il veut l'être.

La pensée est chose sainte; et le feu sacré du génie s'éteindrait tout-à-fait, s'il était sous la garde même des Vestales.

C'est ce qui est arrivé au divin Homère, sous la plume de madame Dacier.

XLV.

La Raison veut que les femmes se contentent d'inspirer les poëtes, sans chercher à le devenir elles-mêmes.

Le cheval Pegaze ne se laisse bien monter que par un homme.

Une femme poëte, est une petite monstruosité morale et littéraire; de même qu'une femme souverain est une monstruosité politique.


Charles Edward Perugini [ In The Orangery ]
Charles Edward Perugini (1839-1918) - In The Orangery


XLVI.

La Raison défend aux versificateurs, prosateurs, orateurs, d'enivrer les femmes par un encens perfide qui fait qu'elles se croient nées pour toute autre chose que pour aimer et pour l'être.

Les poëtes coupables effaceront ces madrigaux avec leur langue, comme il se pratiquait jadis à Marseille et à Lyon.

Suivant Bayle: «les femmes sont faciles à gagner par les vers.»

(Dictionn.)

XLVII.

La Raison veut que désormais il soit permis aux courtisannes, seulement, d'être femmes de lettres, beaux-esprits et virtuoses.

Les plus fameuses courtisannes de la Grèce l'étaient, les deux Aspasie, Rhodope, Phryné, Lays, Thaïs, Lamia; Hypparchie était cynique de théorie et de pratique: Cléonice composait des livres avec ses amans.

(Aux premiers siècles de l'histoire moderne), «on ne tenait pas pour de véritables vierges les filles qui faisaient de grandes conversations, et qui montraient leur bel-esprit.»

(Fleury.)

XLVIII.

La Raison veut que les femmes s'abstiennent non pas seulement de la science des livres, mais encore de la science des cartes à jouer, et de l'art de tirer les cartes: ces deux occupations ruineuses, ne supposent ni esprit ni jugement.

XLIX.

La Raison permettra aux femmes l'usage des livres, quand les anges seuls se mêleront d'en composer.

«Pourquoi, (dit une maxime chinoise) ne pas apprendre à lire aux femmes?—Parce qu'il y a de mauvais livres.»

(Mém. sur la Chine, in-4º. T. IV. p. 149)

L.

La Raison veut que les compagnies savantes et les corps littéraires se refusent au plaisir de compter des femmes au nombre de leurs membres.

Les matrones de Rome ne hantaient pas les Gymnases.

La décadence de l'empire romain date du moment où les femmes se permirent d'assister au cirque, aux amphithéâtres, etc.

Les femmes grecques ne se montraient point aux jeux olympiques.

«Les femmes (dit le bon Plutarque) ne doivent jamais sortir dehors.... Leur office est de bien garder la maison.»

(Œuvres morales.)

LI.

La Raison désapprouve ces listes d'académiciens, grossies par des noms de femmes.

Le nom d'une femme ne doit être gravé que dans le cœur de son père, de son mari, ou de ses enfans.

LII.

La Raison veut qu'en attendant l'entier accomplissement de la présente loi, les femmes s'abstiennent de lire, et même d'assister aux séances publiques ou particulières des Instituts, Académies, Cercles ou Sociétés littéraires, Portiques ou Veillées des Muses, Musées, Lycées, Prytanées, Athénées,... etc.; comme aussi de suivre les cathéchismes et les cours, de hanter les bibliothèques,.... etc. Ce n'est pas là leur place: les femmes ne sont bien que chez elles, ou dans une fête de famille.

«Ses spectacles (dit Thomas, en parlant d'une femme estimable) sont ses enfans.»

(Essai sur les femmes.)


Edouard Manet [ Le chemin de Fer ] 1872-73
Édouard Manet - Le chemin de Fer, 1872-73


LIII.

La Raison veut que les femmes ne soient point admises aux tribunes du corps législatif, ni aux séances du tribunat, ni dans le parquet des tribunaux, ni aux fenêtres des maisons avoisinant les places publiques destinées aux exécutions.

Leur présence y serait un contresens.

Une femme ne doit et ne peut paraître avec décence et solemnité qu'au tribunal de famille ou de paix.

LIV.

La Raison veut qu'une femme puisse voter dans une assemblée de famille; la Raison désapprouverait fort que les femmes aillent opiner à la tribune d'une assemblée nationale.

Le premier des deux sexes, représentant naturel de l'autre, discute et stipule pour les deux ensemble.

La voix d'une femme parmi les législateurs ferait nécessairement cacophonie.

Qu'elles aillent plutôt au marché!

LV.

La Raison veut que, sans avoir égard à la réclamation de Condorcet (qui ne fut pas toujours philosophe dans sa conduite et dans ses écrits), les femmes continuent à renoncer au droit de cité, dont elles ne sauraient remplir les devoirs.

Serait-il convenable et décent, par exemple, que les jeunes filles et les femmes montassent la garde, fissent des patrouilles?... etc.

On retrouve Condorcet tout entier, quand il dit, dans la même dissertation:

«Les femmes sont supérieures aux hommes dans les vertus domestiques; elles sont meilleures, plus sensibles, moins sujettes aux vices qui tiennent à l'égoisme, à la dureté du cœur; mais...»

(Journal de 1789. p. 5. in-8º.)

LVI.

La Raison veut que les femmes tiennent le sceptre de la politesse, sans aspirer à celui de la politique.

Une femme serait aussi déplacée sur un trône que dans la chaire d'un évêque.

Que de plaisanteries ne s'est-on pas permises sur la papesse Jeanne?

«Mais Catherine II, en Russie, dira-t-on.»

Quelle est la femme honnête qui voulût ressembler à cette impératrice immorale?

La reine Christine, elle-même, disait:

«Mon sentiment est que les femmes ne devraient jamais régner».

(Mém. de sa vie, écrits par elle.)

LVII.

La Raison veut que les femmes demeurent, à l'avenir comme par le passé, étrangères aux ambages de la diplomatie.

«Ce n'est pas dans les affaires d'état, (dit Théophraste) c'est dans sa famille qu'une femme doit montrer son esprit et sa prudence.»

(Caractères.)

LVIII.

La Raison veut que tout citoyen qui aura choisi pour épouse et compagne une femme lettrée ou une virtuose, soit par le fait, regardé comme inhabile à remplir une fonction publique de quelqu'importance.

Périclès, gouverné par une femme philosophe, ne gouverna point Athènes avec toute la sagesse qu'on attendait de lui. Son administration fut brillante, mais aux dépens de la liberté publique; et cependant Périclès n'avait pas craint d'adresser aux dames d'Athènes le discours suivant, traduit mot-à-mot:

«Pour ce qui vous regarde, voici quel est mon avis en peu de paroles; n'aspirez qu'à ces vertus qui sont particulières à votre sexe, suivez la modestie qui vous est naturelle; et croyez que le plus grand éloge que vous puissiez obtenir, c'est qu'on ne dise rien de vous ni en bien ni en mal.»


Franz Eybl [ Jeune fille lisant ] 1850
Franz Eybl - Jeune fille lisant, 1850


LIX.

La Raison... qui dispense les femmes d'apprendre à lire et à écrire, pour empêcher qu'elles n'éludent la présente loi, en dictant les produits de leur imagination à un copiste complaisant, défend à tout homme d'écrire sous la dictée des femmes, excepté une lettre à leurs pères ou à leurs maris absens, ainsi tout ce qui peut intéresser l'économie domestique.

LX.

La Raison veut que tous les bons livres (et ils ne sont pas en si grand nombre) soient lus aux femmes, mais non lus par elles.

LXI.

La Raison veut que les chefs de maison, les pères et les maris se fassent un devoir de remplir les fonctions de lecteurs auprès des femmes. Est-il un tableau plus touchant que celui de Greuze, représentant un père de famille, lequel assis à une table, fait lecture de la bible à ses enfans rangés autour de lui?

LXII.

Chacun des chefs de maison transcrira, pour le lire à sa femme et à ses filles, à tout le moins une fois l'an, le premier livre des Économiques par Xénophon: c'est un chef-d'œuvre de raison et de sensibilité.

LXIII.

La Raison veut qu'un chef de maison réponde à sa femme et à ses filles tentées de lui reprocher le peu d'éducation littéraire qu'il leur donne, par ce passage d'un livre plein de sens, imprimé au commencement du siècle qui vient de finir:

«De toutes les sciences, celle qui convient le mieux aux femmes et à laquelle elles se devraient principalement appliquer, c'est la science des mœurs... Les autres sciences leur sont fort inutiles... L'expérience leur apprend que si elles veulent s'attirer de l'amour, du respect et de la considération, il ne faut pas pour cela qu'elles soient théologiennes, mathématiciennes, physiciennes, rhétoriciennes, historiennes.... etc. Les plus instruites dans ces sciences, ne sont pas celles qui plaisent le plus.»

(p. 195-196. la Langue, T. I. in-12, 1707)

LXIV.

La Raison veut que le père, le mari, les frères et les enfans de chaque maison ne portent d'autres vêtemens que ceux filés et tissus de la main des filles et des sœurs, des épouses et des mères.

L'empereur César Auguste portait d'ordinaire des habits faits par sa femme, sa sœur et ses filles.

En ce temps-là, on ne voyait point les femmes armées d'une plume et d'une férule, composer des romans et des traités de théologie.

En ce temps-là, on ne voyait point un père et sa fille joûter l'un contre l'autre à qui fera les plus gros livres de finance et de littérature, de morale et de religion, tandis que la mère plus sage et mal imitée, fondait des hospices.

LXV.

En Chine, la femme d'un Lettré ne peut pas employer des mains étrangères pour les habits de son époux; il faut qu'elle en tire la matière de ses vers-à-soie, la mette en œuvre et les fasse elle-même.

(Voyez le Ly-Ki.)

La Raison propose cet exemple aux épouses et compagnes des membres de l'Institut et des autres Sociétés littéraires.


Jean Baptiste Camille Corot [ La Liseuse couronnée de fleurs ou La Muse de Virgile ] 1845
Jean Baptiste Camille Corot
La Liseuse couronnée de fleurs ou La Muse de Virgile, 1845


LXVI.

La Raison veut que les femmes qui s'obstineraient à faire des livres, ne soient point admises à faire des enfans.

Bayle ne conseille point aux beaux-esprits femelles de s'engager dans les liens du mariage.

Selon lui: c'est le sort ordinaire des femmes savantes d'essuyer plusieurs chagrins domestiques....

(Dictionnaire.)

Bayle aurait pu ajouter: et d'en causer.

LXVII.

Les hommes ont consacré une fête à la découverte de l'alphabet et de l'imprimerie.

Les hommes et les femmes se réuniront pour célébrer une invention charmante, plus précieuse peut-être encore, et qui certainement n'est point susceptible des mêmes abus, l'invention de la gaze.

LXVIII.

La Raison veut qu'on réalise cette ancienne loi proposée par le sage Pythagore au peuple de Crotone.

«Honore la charrue et la quenouille; consacre leur une fête chaque année.»

(2578. loi.)

On conserva, pendant plusieurs siècles, dans un temple, à Rome, la quenouille et le fuseau de Tanaquil, chargés de la laine que cette reine avait filée. Elle passait pour la plus habile fileuse de son tems.

Les filles romaines qui se mariaient étaient accompagnées pendant le cérémonial d'une personne portant une quenouille garnie.

En Chine, l'impératrice célèbre tous les ans la fête du fuseau.

Filer vaut mieux qu'ourdir des trames politiques ou des cabales littéraires.

LXIX.

La Raison veut que dans toutes les assemblées et fêtes publiques, les filles à talent et les femmes de lettres, (tant qu'il y en aura) cèdent le pas aux bonnes ménagères et aux mères de famille.

LXX.

La Raison veut que le soin de brûler des parfums et de tresser les guirlandes de fleurs et les couronnes dans les fêtes publiques, soit réservé aux vierges pures et sans lettres.

Les épouses et les mères de famille gardent la maison.

LXXI.

La Raison veut que les bonnes actions des filles sages, des épouses vertueuses et des mères de famille soient proclamées, en leur absence, dans les solemnités nationales.

On portera chez elles les couronnes qui leur auront été décernées. On leur répétera l'hymne chanté en leur honneur, et non imprimé; on en confiera la tradition à la mémoire de leurs parens ou de leurs enfans.


Jean-Honoré Fragonard [ Jeune fille lisant ] 1770
Jean-Honoré Fragonard - Jeune fille lisant, 1770


LXXII.

La Raison veut qu'aux fêtes publiques dans toutes les communes, on proclame, non les femmes auteurs de beaux livres, mais les mères de beaux enfans.

LXXIII.

La Raison veut qu'on grave sur la tombe des femmes recommandables par la science et la pratique du ménage, cette belle et antique épitaphe de la reine Amalasonthe, non pas la fille de Théodoric, roi des Goths, mais une autre Amalasonthe, beaucoup plus ancienne:

casta vixit,
Lanam fecit,
Domum servavit.

Elle vecut chaste,
Travailla en laine,
Et garda la maison.

LXXIV.

Les auteurs dramatiques sont invités à consacrer leurs talens au but moral de la présente loi. Ils pourront employer tour-à-tour les armes du sentiment et du ridicule au triomphe de la nature et de l'antiquité, compromises par la mauvaise éducation donnée aux femmes.

LXXV.

Les pères et les maris sont responsables de la stricte observance de la présente loi.

Ils seront, seuls, punis des contraventions de leurs filles et de leurs femmes.

LXXVI.

La présente loi est commise à la garde des pères de famille et chefs de maison.

Chaque père de famille et chef de maison, se procurera un exemplaire de ladite loi, pour être placé à l'endroit le plus apparent du domicile.

LXXVII.

La Raison veut que ce projet, pour devenir loi, obtienne la pluralité des suffrages: en conséquence, un vase à scrutin sera ouvert pour recevoir le oui ou le non des chefs de maison, des pères de famille, et des hommes mariés.

LXXVIII.

Aussitôt que ce projet de loi aura obtenu sa sanction par la pluralité des suffrages, chacun des chefs de maison donnera une fête à sa famille, pour y proclamer ladite loi, dans l'intervalle du repas aux danses.

En même tems, il fera jeter au milieu d'un feu de joie tous les livres et instrumens à l'usage de l'éducation factice des femmes. Autour du bûcher, on chantera une ronde composée dans l'esprit des couplets suivans:

Sur l'air: Chantez, dansez,.... etc.

Faut-il tous ces livres poudreux,
Pour être amante, épouse et mère
La nature en sait plus long qu'eux;
Avec le cœur on sait tout faire.
Chantons, dansons, travaillons bien;
Aimons-nous, le reste n'est rien.

Deux jeunes époux bien portant
Ont-ils besoin de savoir lire,
Pour être auteurs d'un bel enfant
Qui commence par leur sourire?
Chantons, etc.

Le nouveau-né, certainement,
Peut se passer de la grammaire;
Sans savoir lire au rudiment,
Il tete et caresse sa mère.
Chantons, etc.


Fin.


Vincent van Gogh [ La lectrice de roman ] 1888
Vincent van Gogh - La lectrice de roman, 1888


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