dimanche 28 septembre 2008

T'as d'beaux yeux, tu sais...

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Sainte-Lucie - Francesco del Cossa, 1435-1477
National Gallery of Art - Washington


Vos yeux trop purs me font mourir

Un prince, un jour, à Fontevrault, rencontra une jeune nonne. Elle était frêle, blanche, belle, on l'aurait dit rêvée par Dieu. Ce prince en eut le cœur poigné. Il vint à elle dans le cloître. Il osa lui prendre la main, s'égarer dans son regard droit, lui avouer son désir d'elle.

— Monseigneur, lui répondit-elle, toute ma vie est à Jésus. Par pitié, ne la troublez pas.
Elle rougit et s'en fut en hâte. Le prince s'en alla aussi, ivre d'amour déraisonnable.

C'était un homme ardent et fort. Nul n'avait jamais tenu tête à ses envies, à ses passions. Il revint sous l'orme du cloître guetter patiemment la recluse, lui parler, effleurer sa joue et la retenir par la manche. Elle prit la fuite, obstinément. Un jour il envoya son page à la chapelle où elle était. Le garçon au seuil du portail remit à la nonne une lettre où l'amoureux avait écrit :
« Vos yeux trop purs me font mourir. »
Il implorait un rendez-vous. Elle répondit au messager :
— Ce soir, au parloir du couvent.
Le prince y fut à l'heure dite, le cœur battant, l'esprit en feu, espérant mille joies secrètes. Dans la pénombre de la salle, il la vit s'avancer vers lui, lente, droite, à peine hésitante. Elle pleurait des larmes de sang. Sous le front lisse et les sourcils étaient deux trous terrifiants. Elle portait un plateau d'argent, le lui tendit en murmurant :
— Vous aimez mes yeux, les voici. Faites-en selon votre cœur. Dieu m'a gardée du déshonneur, qu'il ait pitié de vous aussi.


Henri Gougaud,
Contes amoureux & La Bible du hibou


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dimanche 21 septembre 2008

L'Albigeois

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Encre de Dominique Landucci


L'Albigeois

Maître Jean-Jan Fau dit "l'Albigeois" qui avait épousé Jeanne Passebise était tailleur de pierre.

Ce jour-là, il avait refait un rampan de pignon de l'église Saint-Benoît qui avait été endommagé par un orage à l'automne. Puis il avait mis sa mailloche, son ciseau, sa râpe et son burin dans son sac et il avait quitté la ville dans le crépuscule pour rejoindre son logis.

Il habitait dans la campagne, près de Castres. On était la veille de Noël et dans chaque foyer on s'apprêtait à fêter la Nativité.

Jean-Jan s'était arrêté à l'étal du fournier pour acheter un nougat et quelques friandises. En le servant, la vieille Sérana lui avait dit :
— Faites attention aux loups, Maître Fau, on dit qu'avec le froid, ils descendent du plateau...
— Oh ! avait répondu l'Albigeois, les loups ne mangent pas les gens comme ça !
Et le tailleur de pierre avait pris la longue route qui conduit à Roquecourbe. Il fallait qu'il traversât ensuite la forêt. Puis il apercevrait les lumières du village. La neige recouvrait les champs. Il pensa aux notes de velours noir du hautbois qui animerait la veillée dans quelques heures. On danserait échauffés par le vin et les verres d'eau-de-vie. Les cheveux noirs de l'Albigeois bouclaient sur sa nuque.

S'appuyant sur son bâton, Maître Fau marchait dans la neige. La lune se levait à l'horizon. Dans les maisons, les familles se regroupaient autour du feu.

L'Albigeois pensa aux chevaux de feu qu'il voyait dans ses rêves. Il frissonna. Il était seul dans la nuit. Il remonta les pans de son manteau de roulier. A chaque pas, il s'enfonçait plus profondément dans la neige. Le vent glacé rôdait dans les buissons.

L'Albigeois longeait maintenant des peupliers, la tête inclinée, la main serrant son gros bâton.
Parfois, il croyait entendre le haubois, la musette ou le tambourin : les anges venaient tirer de leur sommeil les bergers pour leur annoncer l'évènement tant attendu : la naissance du Christ. Bientôt les cloches carillonneraient et l'on donnerait l'aubade à l'enfant.



A l'église, ils iraient déposer l'offrande aux pieds du nouveau-né. Avec Pierre, son fils, ils apporteraient des oiseaux, des châtaignes et des pommes. Ils trouveraient le Noëlet tout nu sur le sol à peine couvert de paille entre le bœuf et l'âne gris avec la Vierge à ses côtés. Saint-Joseph, le brave homme, avec des tampons de paille serait en train de boucher les fissures pour que le petit n'ait pas froid.

Pierre dirait goguenard :
— Père, c'est la maison des quatre vents !
Il ne ferait pas chaud dans l'église. Ils admireraient aussi les santons de la crêche. Lo Ravi qui ouvre des yeux ébahis, coiffé jusqu'aux oreilles d'un bonnet de coton à rayures ; le Rémouleur à la casquette de peau, en tablier de cuir noir qui actionne du pied la roue à pédale ; le Meunier enfariné avec son sac sur l'épaule ; l'ange Bouffarel aux joues bouffies de gloire ; le Caraque déprédateur, voleur et coureur de grand chemin ; le Chasseur avec son fusil tenant par les pattes le lièvre et qui porte dans sa gibecière les grives qu'il a tuées le matin même : le Pêcheur au bonnet rouge chaussé de bas de forçat et de sabots avec sa ligne au bout de laquelle se balance une truite aux écailles en papier d'argent ; le Mitron portant sa corbeille de fougasses et de pains ; le vieil Aveugle qui a des cheveux blancs et que guide un jeune enfant sur l'épaule duquel il s'appuie d'une main tandis que dans l'autre son bâton en bois d'olivier tête le terrain ; la Marchande de Poissons avec ses deux paniers aux bras apportant des rougets couchés sur un lit d'algue verte ; il y aurait aussi la Laitière coiffée de la coquette et brimbalant ses pots à lait, la Marchande de Vin à la peau dorée comme un abricot...

Toutes ces images du plaisir de Noël défilaient devant les yeux de Maître Fau. Pierre, cette année, pour la première fois, avait participé à la quête des compagnons de l'Aguilloné. C'est lui qui avait porté la lanterne tandis que Raymond et Fabrice poussaient l'âne où les jeunes gens chargeaient les victuailles tandis que Guillaume entamait un chant où il énumérait souhaits et demandes. Avec les dons, les compagnons feraient des pains bénits à l'anis et un magnifique réveillon.

* * *

L'Albigeois était plongé dans l'obscurité. La lune se cachait derrière de gros nuages noirs. Puis la neige, doucement, se mit à tomber. Quand le vent eût chassé les nuages, Maître Fau ne reconnut pas son chemin habituel. Certes, il était dans la forêt, mais il ne savait plus s'il avait tourné à droite ou à gauche du calvaire. Et la neige lui brouillait la vue. Il comprit qu'il s'était perdu.

Était-il loin du village ? Il grimaça un sourire :
« Mon Dieu, que c'est bête, et la nuit de Noël en plus ! »
Quand il vit l'étoile, il pensa qu'il était sauvé.

N'était-ce pas la nuit de la Nativité où les bergers aux vestes rouges en guêtres blanches et en sabots ronds entourés des femmes du village vont rendre visite au nouveau-né ?

Il fallait que l'Albigeois marchât vers le nord, inlassablement. Dans l'ombre mystérieuse, il entendit soudain comme une course feutrée. Quand il put allumer son briquet d'amadou, il aperçut une bande de loups. Le plus gros, le plus fort, était un loup gris qui se mit à hurler aussitôt à la mort.

L'Albigeois reprit son souffle et s'enfonçant jusqu'aux genoux se mit en demeure de suivre la direction que lui indiquait l'étoile. Tout en marchant, il se mit à parler à haute voix. Tant que l'homme est debout, disait-on au village, le loup ne l'attaque pas. Ah qu'elle était loin la maison chauffée par un grand feu de chênes, les visages de Jeanne et de Pierre qui étaient pour lui dans cette nuit froide tout son espoir !

Il se mit à chanter dans le vent. Il serrait fiévreusement le poing sur son bâton. Par moment, il trébuchait et croyait sentir le souffle des loups sur ses mollets. La présence sauvage se rapprochait.

Il hurlait :
« Qu'est-ce que vous croyez, Loups ? Vous allez voir ! »
Tout au fond de lui-même, le tailleur de pierre s'accrochait à l'espoir de vaincre la horde. Dans sa mémoire, il retrouvait le nom que donnaient les anciens au loup gris : “Le Loup rusé”.

Quand il se retournait et allumait son briquet d'amadou les loups se reculaient. Il criait : « Peuchère, les voilà ! » La neige tombait en fleurs d'amandier sur son visage. Il pensait à Jeanne, à ses dents blanches. Elle riait toujours en fermant les yeux... La terre échappait à Maître Fau. Le vent gémissait lugubrement dans les chênes. L'Albigeois entendait dans sa tête une douce musique. Ah s'il avait pu courir !




Dans un grand tourbillon blanc, le loup gris apparut sur le chemin en face de lui. Les doigts gelés de l'Albigeois faillirent lâcher le bâton. Il s'était arrêté et ressemblait à un arbre de la forêt. Les grands yeux ouverts, Maître Fau ne voyait que le loup gris. La lune éclairait la scène. Il fit tourner son bâton et hurla. Il ne savait plus ce qu'il disait. C'était un cri, plutôt. Un appel de l'homme dans ce qu'il a de plus primitif. Il parlait une langue de chaos, de brûlures, de violence. Il aurait pu saisir le loup avec ses dents. Il se sentait proche, de la mort, de la somptueuse flamme de ses ancêtres qui ne reculaient devant rien. Le cri qu'il poussait entrait un plus vif de sa chair. Il était un danseur de lumière, l'un des quatre vents du monde.

Il sortit de son sac, son ciseau et se râpe. Il s'adossa au rocher et regarda les grands arbres nus qui ployaient sous la neige.

Avec la râpe, il tapa sur son ciseau. Et les loups, autour de lui, le poil hérissé, établirent un cercle d'échines sombres et d'yeux luisants. Il fallait qu'il parlât et dansât jusqu'au matin. Il pensa aux hommes d'autrefois, aux anciens : le cri de ces hommes montait dans sa poitrine.

Le premier avait commencé à marcher en grognant.

Plus tard, c'était un homme jeune qui avait volé le feu à la foudre.

Puis un autre encore avait taillé du silex.

Puis le quatrième avait peint les murs de sa grotte, cette mémoire vivante de l'humanité. Maître Fau était comme au bord d'une fenêtre. Il dansait. Il tapait sur son ciseau avec la râpe. Il gémissait, virevoltait. Il n'était pas isolé du monde dans ce désert de neige. Même seul, il était multiple. Il aurait pu chevaucher un cheval noir, écrire un poème, allumer dans le ciel une étoile. Chaque fois qu'il gonflait sa poitrine, le loup gris tournait sur lui-même. Il parla jusqu'à l'épuisement. Il raconta tout ce qu'il savait, son enfance sur le plateau, son mariage avec Jeanne, la naissance de Pierre, son métier de tailleur de pierre.

* * *

Il avait une voix racailleuse qu'il adoucissait.
« Rester debout, se disait-il, seule position acceptable, seule position qui nous a fait hommes et qui nous sauvera... »
Par moment, l'Albigeois en tapant sur son ciseau poussait un cri lugubre. Les loups ne le quittaient pas des yeux. Seul, le loup gris, s'avançait et hurlait. A une minute de grande absence, Maître Fau faillit s'endormir. Mais l'idée même du sommeil s'échappa de sa tête.

Alors il se remit à danser et à parler dans le cercle des loups tout en tapant de ses doigts gourds avec sa râpe sur son ciseau. Sans arrêt. Enfin, l'aube se leva.

Les loups déguerpirent.



Et, derrière l'Albigeois épuisé, sans bruit, un souffle de vent passa qui ressemblait à une ombre...




in Contes occitans
Jean-Pierre Védrines
C. Latour, 1997 (Colporteur)


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mardi 16 septembre 2008

Les petits remèdes de Mère-Grand...

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The Three Ages of the Woman and the Death - Hans Baldung Grien, 1509-10


Inauguration d'une toute nouvelle rubrique : Les petits remèdes de Mère-Grand... Premier post d'une série que j'espère longue... Les textes publiés ici sont des reproductions exactes de la publication d'origine. Je n'ai rien modifié, rien retouché...


Chapitre XXI - Maladie des femmes

§ II. Règles chez les Femmes, les provoquer.

Prenez le matin à jeun, pendant quelques jours, quatre doigts de jus d'Armoise dans un verre.

Faites bouillir une bonne poignée de Matricaire dans un pot de terre vernissé tenant deux pintes d'eau ; faites réduire aux deux tiers ; donnez un bon verre tiède de cette décoction trois ou quatre matins de suite à jeun, vers le temps à peu près que les règles doivent venir.

Soumettez la femme à une fumigation d'Aloës, d'Armoise ou de Souci, jetés dans un réchaud plein de feu ; les vapeurs seront reçues par les parties sexuelles.

Il est inutile d'observer que les Règles ne doivent être provoquées qu'autant que rien de naturel, qu'une grossesse présumée ou douteuse, par exemple, ne s'oppose à leur apparition habituelle. Non-seulement il y aurait faute, dans ce dernier cas, à donner des emménagogues, mais encore il y aurait crime, et crime sévèrement puni par les lois. La femme ou la fille qui ne reculerait pas devant l'emploi de médicaments pris dans le cas de grossesse commençante courrait elle-même les plus graves dangers pour sa santé. On a vu des femmes, dont les douleurs utérines étaient tellement violentes après l'injection dans l'estomac de substances propres à rappeler les Règles, ou bien après toute autre manœuvre également criminelle, accuser hautement, dans les angoisses qu'elles ressentaient, les malheureux qui avaient cédé à leurs larmes et à leurs prières, et livrer ainsi aux tribunaux les complices de leur infanticide. Que ceux-là donc qui seraient assez malheureux pour essayer de provoquer les Règles quand même, n'oublient pas que le plus ordinairement ils trouvent des dénonciatrices dans celles qui d'abord leur avaient promis reconnaissance et discrétion. Mais revenons aux soins et aux conseils que nous devons aux femmes, avant et pendant leurs Règles.

Avant les Règles, la femme doit éviter tout refroidissement subit, toute agitation violente et passionnée, tout travail trop fatigant ; elle doit aussi se livrer à des promenades peu longues, à un exercice modéré, fuir le chagrin, l'ennui et les contrariétés ; s'abstenir de corsets trop justes, de jarretières trop serrées, etc. Les mêmes précautions seront observées pendant la durée des Règles. A ces précautions, nous ajouterons et nous insisterons sur les suivantes : les émotions, la peur, la surprise, la colère, etc., ayant à toutes les époques de la vie la plus grande influence sur l'état général des femmes, on conçoit facilement combien cette influence sera plus grande encore à l'époque des Règles. On s'abstiendra donc constamment, envers les femmes, de ces amusements où la malice, la plaisanterie remplacent trop souvent la raison et la prudence ; on évitera tous les faits, actes et gestes qui peuvent donner lieu à la frayeur ou à la surprise ; on évitera surtout ces jeux si communs dans les campagnes où, pour faire rire les autres, on se jette réciproquement des verres d'eau froide à la figure, où l'on se pousse brusquement dans un trou ou un ruisseau plein d'eau, etc.

Pendant les Règles, les femmes éviteront d'être mouillées par la pluie ; cela n'ayant pu être fait, elles se hâteront de changer promptement de linge et d'en mettre d'autre sur le corps, après l'avoir préalablement chauffé. Des exemples nombreux, journaliers, démontrent l'inutilité de ces précautions, et observer ces dernières serait au moins ridicule, pour ne pas dire impossible, dans les campagnes surtout. A cela nous ne répondrons qu'une chose, c'est que toutes les femmes qui ont payé de leur santé et de leur vie la négligence des conseils que nous venons d'indiquer, n'ont pu dire aux incrédules tous les regrets qu'elles avaient éprouvés d'avoir si follement enfreint les lois de l'hygiène et de la raison.

[pp. 215-217]



The Three Graces - Hans Baldung Grien, 1539>


§ IV. Menstruation, ou établissement des Règles chez les jeunes Filles

Il est des jeunes filles, et c'est le plus grand nombre heureusement, chez lesquelles la menstruation se fait sans la moindre altération de la santé ; il en est d'autres, au contraire, chez lesquelles cette fonction sexuelle ne se fait pas sans beaucoup de difficultés, sans beaucoup d'inquiétude pour les parents : nous allons parler pour celles-là.

Une jeune fille qui arrive à l'époque des Règles doit avoir des habitudes peu sédentaires, un travail peu fatigant, un exercice fréquent et plutôt actif que modéré. Ses parents, ou les personnes qui l'entourent, doivent lui procurer tous les plaisirs, toute la distraction, tous tes jeux de son âge et de son sexe. Ses habillements seront peu serrés, plutôt un peu chauds que trop légers ; son corps sera libre dans ses mouvements ; sa poitrine, non comprimée dans un corset, prendra tous les développements nécessaires à la respiration et à la circulation. Les aliments seront de facile digestion, pris souvent et en petite quantité à la fois. Son coucher sera plutôt dur que trop moelleux. Telles sont les principales conditions à remplir pour faciliter la première apparition des Règles.

Toutes ces règles d'une hygiène et d'une éducation bien entendues sont-elles sans résultat ? Il faut alors recourir aux Bains de siège, aux Bains de pieds très chauds ou sinapisés, aux infusions légères d'Armoise, d'Absinthe ou de Safran, et, enfin, à une, deux, trois Sangsues au plus, appliquées une ou deux fois par semaine sur les grandes lèvres.

La difficulté des Règles tient-elle à des affections de l'âme, à des passions, à des chagrins, de l'ennui, de la mélancolie ? L'amitié des parents, le dévouement des amis, doivent dans ces cas être les seuls médecins. On évitera donc tout ce qui peut entretenir les causes de tristesse et de mélancolie ; on fera faire quelques voyages, on imaginera des occupations actives, gaies et très variées, on conseillera les travaux de jardinage, de basse-cour, etc.

La Menstruation ne se fait-elle pas parce que la constitution générale du sujet est trop faible, trop molle, comme on le dit vulgairement ? On conseille l'usage des boissons et des préparations ferrugineuses, telles que l'Eau ferrée, les Pilules de Carbonate de fer, les Eaux minérales ferrugineuses, etc. Enfin, la Menstruation est-elle empêchée par un état pléthorique, une force qui n'est point en rapport avec l'âge ? Une Saignée ou deux du bras ou du pied suffisent quelques fois pour déterminer l'écoulement des Règles.

[pp. 217-219]



The Three Ages of Man and Death - Hans Baldung Grien, 1539


§ VII. Cessation des Règles. — Temps critique

La Cessation des Règles chez les femmes, ce que ces dernières appellent leur temps critique, leur retour d'âge, est souvent le signal et la cause d'un changement lent, mais profond et fâcheux, qui va s'opérer dans l'état ordinaire de leur santé. C'est à cette époque de la vie que tous les agréments extérieurs du corps disparaissent, que les traits de la figure s'altèrent, que la vie se désillusionne, et que la réalité apparaît dans ce tout ce qu'elle a de plus affreux, de plus triste pour la femme, qui n'a pas assez de force d'âme pour se résigner à oublier le monde et le passé, et à ne s'occuper désormais que du soin des quelques années qu'elle a encore à vivre, années dont le nombre sera subordonné au régime, à l'hygiène et aux précautions auxquels elle se soumettra.

Arrivée à cette époque de la vie, où les Règles sont rares ou très fréquentes, plutôt plus que peu abondantes, plutôt irrégulières que régulières ; où le sang qui s'écoule est plus pâle, moins vermeil, plus odorant que d'habitude, où tout enfin annonce que la menstruation va diminuer ou disparaître complètement, la femme doit se condamner au régime et aux soins suivants :

Alimentation douce, quoique plutôt fortifiante que débilitante, à moins qu'il n'y ait disposition à la pléthore ; exercice plutôt actif que trop peu modéré ; promenades, lectures, distractions agréables, saignées du bras quand il y a des douleurs et des pesanteurs de tête, des étourdissements, des bourdonnements d'oreilles ; sangsues à la partie interne et supérieure des cuisses, quand le sang se porte trop en abondance vers l'utérus, qu'il y a de la pesanteur dans les reins, les cuisses, le bas-ventre, etc. Toutefois cette émission sanguine ne sera pratiquée qu'autant qu'il y aura urgence, car il vaut mieux tirer du sang loin des parties sexuelles que trop près de ces parties.

Les lavements purgatifs seront donnés de temps en temps, pour éviter la constipation. On s'abstiendra des fatigues du cheval et de la voiture ; de tout plaisir secret, et autant que possible du devoir conjugal.

Beaucoup de femmes sont usage, dans leur temps critique, de l'Élixir dit de Longue vie, de celui dit Américain ; mais ces préparations alcooliques, amères et toniques, sont plus souvent nuisibles qu'utiles, et cela en irritant fortement la membrane muqueuse gastro-intestinale. Il est donc plus sage, généralement parlant, de s'en abstenir ; nous disons généralement, car il est des cas où quelques femmes en ont pris avec avantage à la dose d'un petit verre tous les matins à jeun. C'est à leur medecin ordinaire, à leur sage-femme, ou à leur accoucheur, de décider de l'usage de l'un de ces deux médcaments.

[pp. 220-222]


Extraits de : La médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres / Philippe Hecquet (1661-1737) : auteur présumé du texte. - G. Baillière, 1839.


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dimanche 14 septembre 2008

La petite fille aux allumettes

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La petite fille aux allumettes

Il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin ; il faisait déjà sombre ; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue : elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Lorsqu'elle était sortie de chez elle le matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une file de voitures ; les voitures passées, elle chercha après ses chaussures ; un méchant gamin s'enfuyait emportant en riant l'une des pantoufles ; l'autre avait été entièrement écrasée.




Voilà la malheureuse enfant n'ayant plus rien pour abriter ses pauvres petits petons. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes : elle en tenait à la main un paquet. Mais, ce jour, la veille du nouvel an, tout le monde était affairé ; par cet affreux temps, personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait pitié. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.




Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des lumières : de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le festin du soir : c'était la Saint-Sylvestre. Cela, oui, cela lui faisait arrêter ses pas errants.

Enfin, après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçoit une encoignure entre deux maisons, dont l'une dépassait un peu l'autre. Harassée, elle s'y assied et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds : mais elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose rentrer chez elle. Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait.




L'enfant avait ses petites menottes toutes transies. « Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts ? » C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était ! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement : le poêle disparut, et l'enfant restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé.




Elle frotta une seconde allumette : la lueur se projetait sur la muraille qui devint transparente. Derrière, la table était mise : elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes : et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau et une fourchette fixés dans sa poitrine, vient se présenter devant la pauvre petite. Et puis plus rien : la flamme s'éteint.




L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un arbre de Noël, splendide. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs : de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour saisir la moins belle : l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles : il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une traînée de feu.




« Voilà quelqu'un qui va mourir » se dit la petite. Sa vieille grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte il n'y avait pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette : une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère.

— Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh ! tu vas me quitter quand l'allumette sera éteinte : tu t'évanouiras comme le poêle si chaud, le superbe rôti d'oie, le splendide arbre de Noël. Reste, je te prie, ou emporte-moi.




Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir la bonne grand-mère le plus longtemps possible. La grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin: c'était devant le trône de Dieu.

Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite ; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire ; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.




— Quelle sottise ! dit un sans-cœur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D'autres versèrent des larmes sur l'enfant ; c'est qu'ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, c'est qu'ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité.





Conte de Hans Christian Andersen, 1848
Illustrations de Georges Lemoine


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mardi 9 septembre 2008

Un bout de paradis...

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Le caddie tout simple à tirer par Elya (CM1)
"Le monsieur qui crie se fait entendre grâce au casque, par le robot, qui celui ci l'enregistre pour s'en souvenir.
Pour que le robot se souvienne de la chose que le monsieur lui a dit, l'enregistreur est relié au mini cerveau.
"

D'autres belles idées...


Oh mon ami, mon merveilleux ami... Toi qui me connais si bien, tu sais forcément qu'il est une chose que j'exècre par dessus tout... Oui, c'est bien cela : je ne supporte pas de me rendre en grande surface, et de faire ces satanées courses alimentaires... Ciel que cette tache m'est pénible !

Tel le loup-garou qui se transforme les soirs de pleine lune, PetitChap se transforme dès qu'elle pause ses pauvres petons sur le parking de la grande surface... Elle commence à rouspéter parce qu'elle ne trouve plus sa pièce de 10 francs, pièce qui reste pourtant dans la voiture uniquement pour nourrir momentanément ce sale caddie... Puis elle grogne parce que le caddie qu'elle vient de décrocher ne daigne pas vouloir rouler droit - vous avez remarqué ça ? Les caddies roulent toujours en crabe... étrange... -. Puis PetitChap s'énerve de voir tout ce monde dans les rayons... Elle remplit son gros caddie, le remplit, le remplit encore... Elle fait ensuite la queue 20 minutes aux caisses en admirant la lenteur exaspérante de la pauvre caissière... Et puis il faut vider le caddie sur le tapis roulant tout dégueulasse, puis le remplir à nouveau, puis mettre tout ça dans le coffre du bolide qui ne démarrera peut être pas.... Il faut ensuite tout monter au deuxième étage... et enfin tout ranger... Et PetitChap s'énerve tout rouge... Et en plus, PetitChap, elle est agoraphobe...

La solution était là, sous mon nez... ou plutôt, sur mon écran ! Voilà quelques mois que j'hésite, que je tergiverse, que j'entends des "Oh l'autre faignasse, elle cherche quelqu'un pour lui faire ses courses !", ou des "Dis donc, tu es jeune et bonne santé, tu peux te déplacer jusqu'au supermarché quand même, non ?!", ou encore des "Ben put***, t'as pas mal au c**... franchement, avec ton boulot de fonctionnaire, ne me dis pas que tu es trop nase à la fin de journée pour aller faire tes courses !!". Hum... M'en fout... Vu que je suis aussi relativement têtue, j'ai testé la livraison des courses à domicile...

Un Très Gentil Monsieur (Brave, Attentionné, Galant, Qui Pense Au Bonheur Des Gens... j'en passe et des meilleures) a eu la merveilleuse idée de monter une petite entreprise d'aide aux personnes... Et parmi les nombreuses offres qu'il propose, figure celle de faire sa liste de courses sur un joli petit site Internet et de se les faire livrer à domicile... pile poil dans mon appartement, au beau milieu de ma petite cuisine... En voilà une idée qu'elle est bonne !! Le Brave Monsieur est donc arrivé avec mes trois caisses de commande (oui parce que j'en ai profité pour lui faire livrer les trucs les plus volumineux qui sont généralement bien pénibles à porter : lessive, pack de bières, pack d'eau gazeuse, lait... ah ah !!), un sourire très agréable sur les lèvres et un petit mot gentil... Tout était déjà bien trié : les tomates avec les courgettes, le shampoing avec le gel douche, les pâtes avec le riz, les gâteaux apéritif avec... euh... les gâteaux apéritif ! Bref, c'était même un jeu que de ranger tout ça dans les placards !

Résultat : je ne suis pas crevée par le poids des sacs, je ne suis pas agacée par la foule, je n'ai pas perdu mon temps à la caisse, j'ai fait travailler un monsieur qui en a besoin... En clair, je suis de super bonne humeur (ce qui est suffisamment rare pour être souligné !)...

Les gens auront beau se gausser, je vous annonce haut et fort que je renouvellerai très régulièrement cette expérience ! Quand je vous dis que ma vie est fascinante...


(Oui, je sais, tu restes bouche bée face à cet article ô combien fascinant et bien écrit...
je sais, je sais...)



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samedi 6 septembre 2008

La bonne nouvelle du jour...

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Voilà quelques temps que je n'ai rien publié... Je comptais faire une petite pause, tout en continuant à me balader sur la blogobulle...

Mes habitudes restent donc quasiment les mêmes : je consulte mes mails, mes blogs favoris et quelques sites d'actu en engloutissant mon gros mug de café du matin... Je ne sais pas bien comment je me suis débrouillée, ce matin : j'allais, de clic en clic, d'un site à un autre... Et soudain, j'ai trouvé l'Info du jour, l'Info avec un grand I. Je me suis dis qu'il fallait absolument que je vous fasse part de cette nouvelle... Et attention, c'est du lourd !

On y va, extrait choisi :

« Le 22 septembre prochain à New-York, le Prix Humanitaire de la Fondation Elie Wiesel, destiné à récompenser "des êtres exceptionnels qui ont consacré leur vie à combattre l'indifférence, l'intolérance et l'injustice" va être décerné à Nicolas Sarkozy. »
Ca vous la coupe, hein ?! Alors vous vous dites que j'ai mal lu, que l'information est erronée, ou qu'il s'agit simplement d'une petite blague destinée à tourner en dérision notre Bon Chef de l'État... Hum... Je me suis dit que je n'avais pas bu suffisamment de café et que je n'étais donc pas correctement réveillée...

Moi qui rêvait d'être journaliste, mon rêve allait devenir réalité ! A l'image de Jean-Marc Laherrère, qui lui même avait eu l'info via le Bibliomane, je suis donc partie en quête de vérification... J'ai pris le parti de croire ce que je lisais dans le Herald Tribune, j'ai même poussé jusqu'à aller sur le site de cette fameuse Fondation Elie Wiesel... Et les faits sont là : notre Bon Président sera récompensé...

Voilà, je vous laisse digérer cette bonne nouvelle... Moi, je m'en vais maintenant prier pour que Jean Reno ou Christian Clavier décrochent le Prix Nobel de la paix...

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