mercredi 31 décembre 2008

Hé DJ mets nous donc du funk !

.


Texte de présentation trouvé sur le site des Disques biens (décembre 2007) :
Le Groupe Précédemment Connu Sous Le Nom De The Brassens (LGPCSLNDTB) devient La Pompe Moderne.
La pompe moderne - Album
La nouvelle est tombée comme un couperet : Georges a décidé de changer le nom de son groupe, formidable machine à faire des reprises.

En effet, à la veille même de la sortie de son nouvel EP, un événement est venu tout bouleverser : "Je venais d'abuser de délicieux encornets farcis. La digestion commença son dur labeur et je m'assoupis. Très vite, je me retrouvais catapulté dans un monde où tout portait mon nom. Les plaques des rues, les places de village, le perron des écoles, les MJC. Des nouveaux modèles de voitures arboraient affrontement mon patronyme, de même qu'une ligne de vêtements, une chaîne de télévision, même Cap Canaveral avait été rebaptisé sans vergogne. C'était un véritable cauchemar. Quand j'ai vu mon facteur se transformer en gorille, j'ai compris qu'il était temps de repartir à zéro."
Ce rêve est un véritable coup de poing. Georges comprend qu'il est temps de penser un nouvel espace de création pour s'affranchir du passé et reprendre pied avec son époque. Ce nouvel espace, c'est La Pompe Moderne. Georges demande alors aux Disques Bien de retirer l'intégralité des EP placés en magasin. Le label, qui dans un premier réflexe voulait partir vendre des sacs de lavande porte-bonheur en Thaïlande, décrète finalement une AG exceptionnelle et décident de soutenir son artiste. C'est la première fois dans l'histoire de l'industrie du disque qu'un label retire, à la demande de l'artiste, des cds disponibles à la vente (à la veille de Noël). Comme dirait Georges, "Rien n'a déjà été fait".


Ça se passe de commentaire... Moi, je suis total fan !

Bon réveillon à tous... Soyez prudents...



Par ici la suite »

lundi 29 décembre 2008

L'hiver...

.

Giuseppe Arcimboldo (1526-1593) L'Hiver, 1563
Giuseppe Arcimboldo (1526-1593) - L'Hiver, 1563 - Musée du Louvre


Yver, vous n'estes qu'un villain



Yver, vous n'estes qu'un villain !
Esté est plaisant et gentil,
En tesmoing de May et d'Avril
Qui l'acompaignent soir et main*.

Esté revest champs, bois et fleurs,
De sa livree de verdure
Et de maintes autres couleurs,
Par l'ordonnance de Nature.

Mais vous, Yver, trop estes plain
De nege, vent, pluye et grezil ;
On vous deust banir en essil**.
Sans point flater, je parle plain,
Yver, vous n'estes qu'un villain !

(*) matin
(**) exil
Hiver vous n'êtes qu'un vilain (1).
Eté est plaisant et gentil,
En témoignent Mai et Avril
Qui l'accompagnent soir et ma(t)in.

Eté revêt champs, bois et fleurs
De sa livrée de verdure
Et de maintes autres couleurs
Par l'ordonnance de Nature.

Mais vous, Hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil;
On vous doit bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain (2),
Hiver vous n'êtes qu'un vilain (1) !

(1) rustre (paysan)
(2) juste (droit)


Rondeaux, Charles d'Orléans (1394-1465)


Par ici la suite »

vendredi 26 décembre 2008

Méthode infaillible pour paralyser une ville

.

Cathédrale Sainte-Cécile sous la neige - Janvier 2006
Cathédrale Sainte-Cécile sous la neige - Janvier 2006 - Photo PetitChap


La neige était annoncée depuis quelques jours déjà, mais elle ne daignait pas montrer le bout de son nez... Oh, les vieux disaient bien « hum... ce petit air sent la neige... », mais on les traitait de vieux fous... Il ne neige pas à Albi. Jamais. Dans le pire des cas, il neigeouille une petite demie-journée tout au plus... Même pas de quoi blanchir les toits.


Dans la cour du Palais de la Berbie
Dans la cour du Palais de la Berbie - Janvier 2006 - Photo PetitChap


Il y a trois ans, la ville s'est réveillée un samedi matin sous une trentaine de centimètres de neige. La situation était tellement inhabituelle qu'elle en était devenue merveilleuse... Entendez "merveilleuse" dans le sens "féerique"... Il avait neigé toute la journée ; en fin de journée, il y avait entre 30 et 40 centimètres de neige suivant les endroits. Il y avait un monde fou en ville, les gens se promenaient le sourire aux lèvres, les appareils photo en bandoulière... J'ai dû faire près de 200 photos... Et puis les gens se parlaient, s'accostaient, plaisantaient... entre inconnus... C'était étrange mais vraiment rigolo ! Je me souviens d'une pauvre dame dans sa voiture, elle n'arrivait pas à monter la côte sous la cathédrale. La voiture patinait, la dame paniquait grave. Un groupe de jeunes d'une petite vingtaine d'années était venu spontanément l'aider... Voilà une chose que l'on ne voit pas en temps normal ! Et puis certaines personnes se déplaçaient en ski... ou en snowboard... Vision carrément insolite dans cette ville qui ne connait pas la neige !


La terrasse du restaurant Le Géopoly
La terrasse du restaurant Le Géopoly - Janvier 2006 - Photo PetitChap


Le côté un peu plus "sombre" de l'histoire, c'est que la ville n'étant pas habituée à la neige, nous ne sommes absolument pas équipés pour parer à ce genre de situation. Les agents municipaux n'ont pas - ou très peu - d'engins pour déneiger, pour saler ou que sais-je encore... Le résultat est là encore relativement comique (comique suivant votre situation, suivant si vous devez absolument vous déplacer ou non) : la ville est paralysée !


Bonhomme de neige dans le jardin du cloître Saint-Salvy
Bonhomme de neige dans le jardin du cloître Saint-Salvy
Janvier 2006 - Photo PetitChap


Et voilà donc que le scénario se reproduit : il neige depuis ce matin 8h00... Les flocons sont énormes, il neige sans discontinuer... Les oliviers de la place Sainte-Cécile sont blancs de neige... Je vous accorde que c'est magnifique : la cathédrale, le Palais de la Berbie (qui renferme le musée Toulouse-Lautrec), ses jardins à la française, les berges du Tarn, la place du Vigan et les ruelles... tout est blanc... Les gamins - et leurs parents - improvisent des batailles de boules de neige... Les gens sont de bonne humeur... Et puis avoir de la neige pour les vacances de Noël, c'est chouette...


Cathédrale Sainte-Cécile
Cathédrale Sainte-Cécile - Janvier 2006 - Photo PetitChap


M'enfin... Je ne suis pas en vacances, ce qui implique donc que je suis obligée de me servir de mon nouveau bolide... Et je ne sais pas conduire sur la neige... Et quand bien même je tenterais les déplacements à pied, je doute que mes super Kickers adhèrent correctement au sol enneigé et m'évitent la chute humiliante...!


Église Saint-Salvy et Alby foie gras
Église Saint-Salvy et Alby foie gras - Janvier 2006 - Photo PetitChap


La neige, c'est joli et c'est chouette... mais uniquement chez les autres !


Par ici la suite »

mercredi 24 décembre 2008

La-pin !! kkll-kkll !! La-pin !!

.
« Les sages ont plus à apprendre des fols que les fols des sages. »
Montaigne


Le désespéré - Gustave Courbet
Le désespéré (Autoportrait) - Gustave Courbet, 1841 - Collection particulière


De la gestion de la folie... ou des joies de bosser dans un service public...

Serait-ce dû au mauvais temps actuel, aux brouillards givrants, à la neige tant promise mais toujours absente ? Peut-être est-ce dû au manque de clarté naturelle ou au stress de l'approche des fêtes de fin d'année... Je ne sais pas... Quoi qu'il en soit, les fous sont de sortie !

Pas plus tard que jeudi dernier, un petit malin de 18 ans a déballé ses attributs masculins devant une pauvrette de 17 ans qui n'en avait, semble-t-il, jamais vu "en vrai". Bon... le jeune homme, complètement largué, n'a même pas tenté de fuir. Il est resté là en attendant que la police arrive... « Ben oui, appelez la police... j'ai déconné... », nous disait-il... Il est parti la tête basse, les menottes aux poignets.

Le lendemain, un deuxième exhibitionniste est venu se masturber allègrement dans un de nos fauteuils, face à de jeunes étudiantes... Il s'est gentiment envoyé en l'air, puis il est parti... Il n'a pas attendu que la police arrive, lui...

Mais pourquoi ne font-ils pas ça devant moi ?! Je crois que je prendrais un malin plaisir à leur foutre une petite honte....!! « Ben quoi ?! T'es à fond ?! C'est tout l'effet que je te fais... pff... vraiment, c'était pas la peine de te désaper, mon gars !! ». Excellent !

Ajoutez à ça tous les fous "habituels" :
  • il y a celle qui un jour est chrétienne, le lendemain musulmane... et puis qui picole, aussi... et qui est entrée hier dans la médiathèque en vélo et en hurlant ;

  • il y a celui qui, alcoolique de son état, ne retrouvait pas les escaliers pour sortir de la médiathèque, hurlait je-ne-sais-trop quoi à propos de l'Afghanistan, et concluait régulièrement ses phrases par un « Et vous donnez du bonheur aux gens ou vous donnez pas du bonheur aux gens ?! » ;

  • il y a celui qui ne comprend jamais ce qu'on lui dit, qui pense qu'on le traite de débile alors qu'on lui parle d'encre indélébile... et qui nous demande quasiment tous les jours le même CD : celui de Julio Iglesias, « vous savez, celui qui chante "Vous les femmes"...! » ... et puis qui est carrément agressif ;

  • il y a celui qui se prend pour un poète et un artiste et qui tentait ce matin encore de me vendre des cartes postales de son cru... ;

  • il y a celui qui demande toujours les mêmes CD, « Est-ce que vous avez... Bananarama ?! Est-ce que vous avez.... Kim Wilde ?! Et est-ce que vous avez... Nadiya ?! Et puis il est rigolo (quand il n'est pas agressif) parce qu'il est très maniéré et qu'il a un beau cheveu sur la langue... [je tiens à souligner que nous avons ces CD, achetés d'ailleurs la plupart du temps parce que ce monsieur nous les réclamait...] ;

  • il y a sa "copine", aussi... son binôme dans les sorties psy, en fait... Elle, elle est carrément méchante, et puis elle est toute tordue de partout, quasiment pliée en deux avec la tête bloquée sur un côté... assez étrange, plutôt flippant, même...! Et puis elle adore Hélène Ségara... Et puis elle aime beaucoup donner des ordres, aussi... « Et puis vous me donnez une poche, hein !! » ;

  • il y a la dame qui a un sourire figé, et qui, quoi qu'elle dise, sourit bêtement en vous fixant... sa demande fétiche est « et vous avez quoi de bien, comme film ?! Moi j'aime bien les films drôles, hein, mais des nouveaux, hein, pas des vieux... » Toujours la même demande... Ce qui est flippant, c'est que son mari semble tout à fait normal... Le pauvre...
Et puis il y a tous ceux qui ne sont que légèrement atteints et qu'on ne remarque même plus... Que du bonheur...!

Petite note perso pour ma petite collègue qui est malade et qui n'a donc pas pu se joindre à nous aujourd'hui : si, si, je t'assure... ils sont tous venus aujourd'hui... Magnifique !!

Pour tous ceux qui hésitaient encore sur leur avenir professionnel : ne vous posez plus de questions, intégrez le monde merveilleux des médiathèques municipales... C'est spectacle garanti toute l'année !!

M'enfin, moi je m'en fout, ce soir dès minuit, il y a « Recherche du barbu »... Bière et rhum à foison, Tavernier !! J'imagine que vous avez déjà oublié l'explication que je vous avais donné l'an dernier à propos de cette belle tradition, je vous invite donc à aller lire cet article...

En attendant, je vous souhaite de passer un très joyeux noël... soyez mignons !


Par ici la suite »

lundi 15 décembre 2008

Les yeux seuls sont capables de pousser un cri...

.

Les yeux seuls sont capables de pousser un cri.
René Char


Les yeux sont, parait-il, le reflet de l'âme.... Je n'en sais rien ; ce que je sais, en revanche, c'est que je suis fascinée par les regards...















J'aurais bien mis quelques photos de personnes de ma connaissance, mais il parait que ça ne se fait pas... Et pourtant...


Par ici la suite »

dimanche 14 décembre 2008

Dies Dominicus...

Je ne puis pas encore m'expliquer aujourd'hui, à cinquante-deux ans,
la disposition au malheur que me donne le dimanche.

Stendhal
Extrait de la
Vie de Henry Brulard


Nighthawks - Edward Hopper
Nighthawks, Edward Hopper (1942)


Je n'aime pas le dimanche. Je ne l'ai jamais aimé. Jour de la semaine où tout s'arrête, jour officiel du repos. Jour qui me glace le sang.

Je suis angoissée, anxieuse par nature... et je traine ça depuis ma prime enfance. Je me souviens par exemple que lorsque j'allais à l'école primaire, un ramassage scolaire venait nous chercher, mon frère et moi, pile poil devant la maison familiale. Le "ramassage" s'effectuait en voiture, par une dame que nous connaissions très bien (auriez-vous oublié que je suis native d'un tout petit village où tout le monde est forcément de la famille ?!). Autant dire que la dame en question ne serait certainement pas partie sans nous. Mais voyez-vous, j'étais terrorisée à l'idée de rater l'heure de passage de la voiture. Résultat, j'étais déjà au bord de la route, mon cartable sagement posé à mes pieds, au moins 20 minutes avant que la dame n'arrive... Mon frère, lui, était à peine sorti du lit... Il n'a jamais eu ce genre d'angoisse. Mes parents ont bien évidemment essayé de me raisonner, de m'expliquer qu'il ne servait à rien que je m'angoisse pour ce genre de choses, mais que voulez-vous, on ne se refait pas. J'ai bien été "sous traitement" (homéopathique) pendant quelques années, ce qui a un brin calmé tout ça, mais ça n'a rien soigné... Et puis ces angoisses ne vont pas sans quelques douleurs physiques, réelles ou fantasmées... mais des douleurs quand même... d'autant plus douloureuses, d'ailleurs, qu'elles sont incomprises de l'entourage...

Bien... mais quel est le rapport avec les dimanches ? Il n'y en a pas vraiment... Ceci dit, cette anecdote - qui me fait sourire aujourd'hui, même si je sais bien que je fonctionne toujours comme ça - illustre parfaitement cet aspect "angoissé" de ma petite personne. Et les dimanches m'angoissent, encore plus en cette saison. J'ai des images bien précises des dimanches soirs de mon enfance. Ce jour-là, jour officiel de la famille, nous ne dérogions pas à la règle. Nous habitions la maison voisine de celle de mes grands-parents paternels. Ma grand-mère était une vraie matriarche ; je la voyais plutôt comme un tyran, mais passons... Mes oncles, tantes, cousins, cousines venaient donc passer quasiment tous leurs dimanches chez la mamie. C'est d'ailleurs à se demander à quel moment mes tantes allaient visiter leur belle-famille... Mes cousins-cousines s'échappaient de chez la grand-mère pour venir squatter notre maison et nos jeux. Ce n'était pas franchement désagréable, et nous avons d'ailleurs passé d'excellents moments... mais je ne pouvais m'empêcher de penser au moment où tout ce petit monde allait repartir. Ce moment m'angoissait grave... Ils partaient toujours à la même heure, entre 18h et 18h30, la nuit était déjà tombée. Ils repartaient tous vers un monde certainement magnifique, nous laissant, mon frère et moi, dans un silence aussi assourdissant que l'après-midi avait été bruyant... Nous allumions alors la télévision, certainement pour combler ce silence, et c'était toujours les mêmes choses qui passaient : Cat's eyes, l'ours Gaby (du dessin animé Les petits malins), Renard, et plus tard Benny Hill... Et ce moment où nous allumions la télé me foutait méchamment le bourdon... Il signifiait que la semaine allait reprendre, qu'il faudrait repartir à l'école... Je me sentais alors dans un état de solitude extrême, et je me sentais d'autant plus seule que personne ne comprenait. "Profite de ce jour de repos...", qu'ils disaient... Mais je ne pouvais pas... Solitude, incompréhension, angoisse... et les douleurs qui allaient avec...
Rien n'a changé aujourd'hui (hormis la programmation télé, bien sûr !). Mes angoisses dominicales sont toujours bien présentes, même si je les ai apprivoisées. Elles sont largement moins fortes, elles ne génèrent absolument plus de douleurs... mais elles n'ont pas disparu.

Je ne sais pas bien expliquer tout ça. Le dimanche me semble être un sas entre deux mondes, un no man's land. La plupart des gens apprécient ce jour, ils se détendent, ils rencontrent leur famille ou leurs amis, ils pratiquent une activité sportive ou autre... Les gens aiment à vous dire : "Rhôoo, vivement dimanche !!" ... Ben moi, je me sens bien plus à mon aise le reste de la semaine...

Je sais, je sais... j'ai un besoin très urgent d'aller consulter un psy...

Heu... pour l'illustration, ne cherchez pas de lien particulier avec mes angoisses ou avec les dimanches... C'est simplement qu'il m'inspire de la solitude, un mélange de tristesse et de mélancolie, et un soupçon d'angoisse aussi... Je suis certaine que cette scène se déroule un dimanche soir... voilà voilà...


Par ici la suite »

jeudi 11 décembre 2008

Le Bolide est mort... vive le Bolide !

.


Grand prix d'Albi 1951, Louis Rosier
Photographie de Jean Dieuzaide


Il fallait bien que nous nous séparions... Dix ans de bons et loyaux services, mais elle arrivait en fin de vie. Voilà au moins trois ans que son levier de vitesse se réduisait à une simple tige (un peu trop pointue en son bout) ; elle était fatiguée au point de ne plus parvenir à garder l'eau qui refroidissait son moteur ; ses freins ne répondaient plus très bien, mais je les connaissais et j'arrivais à bien les maîtriser... Et puis elle avait ses caprices, comme tout artiste qui se respecte... Elle refusait tout net de repartir si elle était au repos depuis plus de 10 minutes... il fallait alors attendre une grosse heure avant de pouvoir redémarrer son moteur... Mais les règles du jeu étaient connues, elles étaient même acceptées... Tel était feu mon bolide...

Hier soir, il a rejoint sa dernière demeure, il a effectué son dernier voyage... dans la nuit et le froid. Sa dernière représentation...

Le nouveau bolide est donc arrivé hier soir... dans le froid et la nuit. Bolide petit, blanc. Et c'est le grand luxe : fermeture centralisée des portes, direction assistée, vitres électriques... Waouh... Nous devons encore apprendre à nous connaitre, et il va être très difficile d'oublier feu le petit bolide, mais bon... l'appel du luxe risque d'être plus fort...!

Que la bière de Noël coule à flot !!


Par ici la suite »

dimanche 7 décembre 2008

Le retour des petits poèmes dominicaux...

.


Herbert James Draper (1864-1920), Pot Pourri


Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - je l'ignore.
Son nom? je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Paul Verlaine, Poèmes saturniens


Par ici la suite »

mercredi 3 décembre 2008

La gourmandise

.


Grotte de Lascaux


La gourmandise... il a bien fallu qu'elle ait un commencement... parce que voyez-vous, il n'a pas toujours été agréable de manger. Manger de la viande crue, régulièrement avariée, devait provoquer d'assez méchants maux d'estomac, sans parler des petites troubles intestinaux... On peut donc imaginer assez facilement que l'apprivoisement du feu a participé à la naissance de la gourmandise...

Pourquoi j'ai mangé mon père, roman de Roy Lewis, n'est qu'une fiction, mais j'aime à penser que la gourmandise est née comme ça :


« Cependant, à mesure que nous approchions, nous nous coulions des regards inquiets. J'avais senti que quelque chose clochait. Oswald le renifla aussi. Puis Alexandre, les filles et même Tobie suant et ahanant plié en deux. Ce fut Oswald pour finir qui exprima notre pensée à tous.
- Qu'est ce donc qui pue à ce point ?
- Ca me rappelle quelque chose, dis-je, mais je n'arrive pas à préciser quoi.
- Ce n'est ni du cadavre ni du volcan, ça sent comme qui dirait entre les deux, renifla Oswald.
Je me demande s'il n'y a pas eu un accident ici où ailleurs.
- C'est pas désagréable, je trouve, dit Alexandre. Et même ça me produit un drôle d'effet :
j'en ai l'eau à la bouche.
- C'est ma foi vrai, dîmes-nous les uns après les autres.
- Allons-y, dit Oswald, vaut mieux se rendre compte.
Nous forçâmes l'allure, Tobie et Caroline suivant laborieusement en arrière-garde. L'odeur étrange, piquante, provocante croissait à chaque pas. Nous aperçûmes, avec soulagement, la horde au complet assise autour du feu. Toutefois celui-ci pétillait, crépitait, crachotait de façon anormale. Tous les quelques moments une tante ou l'autre se levait, fichait un bâton dans les braises et le ramenait à elle avec, au bout, une masse grésillante.
- Mais ...... c'est du jarret de cheval ! haleta Oswald.
- Et ça une côtelette d'antilope ! dis-je à mon tour.


Grotte de Lascaux


Nous courûmes les derniers cent mètres, talonnés de près par les autres, et nous fîmes irruption dans le cercle de famille.
Cela fit sensation.
- Bienvenue, les enfants ! s'écria père, passé la première surprise.
- Bienvenue, s'écria mère, et je vis couler des larmes de joie sur son cher visage zébré de suie.
Juste à l'heure pour dîner ! ajouta-t-elle en riant.

Et puis ce furent les exclamations sans fin, les étreintes, les reniflements, les rires, les embrassades, les présentations. [...]
- Maman, mais qu'est ce que tu fais là ? Tu te sers de bonne viande comme de bois à brûler ?
- Mon Dieu, mon rôti ! s'écria mère en se précipitant vers le feu. Complètement oublié, avec ces retrouvailles. Il va être trop cuit ... gémit-elle et, en hâte, elle retira du feu un gros morceau fumant de râble d'antilope. J'en étais sûre, ce côté-là est complètement brûlé, dit-elle en l'examinant. Heureusement qu'Ernest m'a prévenue.
- T'en fais pas, ma chérie, dit père. Tu sais que j'aime le roussi bien croquant. Je prendrai l'extérieur avec plaisir.
Pour moi, tout ce dialogue était du latin.
- Mais enfin, de quoi parlez-vous ? suppliai-je abasourdi.
- De quoi ? Mais de cuisine, tiens !
- Mais qu'est ce que c'est que toute cette cuisine ? m'énervai-je.
- Notre dîner, dit père. Et tout à coup : Oh ! mais j'y pense, c'est vrai que c'est nouveau pour vous, tout ça ! Votre mère ne l'avais pas encore inventé, fils, avant votre départ. Cuisiner, mes enfants, cela veut dire ... eh bien c'est une façon de préparer le gibier avant de le mastiquer. Une méthode entièrement nouvelle pour ... euh !... réduire les muscles et les ligaments dans ... euh !... une forme plus friable, de sorte que ... eh bien ...


Grotte de Lascaux


Mais cessant de froncer le sourcil, il se mit à sourire gaiement :
- Oh, après tout, pourquoi essayer d'expliquer ? Le mouvement se prouve en mangeant? Goûtez et voyez vous-mêmes.
Nos compagnes et nous faisions cercle autour de l'étrange morceau de viande, noirci, rétracté, mais plein d'arôme, que mère nous présentait. Les femmes, décontenancées et que le feu avait quelque peu effrayées déjà, reculaient timidement. Mais Oswald, vaillamment, leva son mufle, mordit dans la tranche de viande que mère, d'une lame de silex, avait habilement détachée, la poussa du doigt dans sa bouche. Aussitôt son visage devint cramoisi. Il postillonna, s'étrangla, suffoqua, déglutit violemment et se tortilla sur lui-même. L'eau jaillit de ses yeux tandis qu'il se tapotait follement les lèvres et la gorge, en haletant.
- Oh ! désolé, Oswald ! dit père. Bien sûr, tu ne pouvais pas savoir. J'aurais dû te prévenir que c'était très chaud.
- Cours à la rivière, mon petit, dit mère et bois un peu d'eau, ça te soulagera.
Dans un éclair Oswald eut disparu, et un moment plus tard nous entendions le bruit d'un violent plongeon.
- Nous autres, nous y sommes habitués, dit père, mais au début il faut s'y prendre avec précaution. Le mieux c'est de souffler dessus pour commencer, puis de mordiller petit à petit par l'extérieur. Mais vous verrez qu'en un rien de temps vous vous débrouillerez très bien.
Munis de ce mode d'emploi, nous nous mîmes au travail. Oswald nous avait rejoints. Nous nous brulâmes quand même un peu pour commencer, mais ça valait la peine. On eut dit que la viande, sous nos dents, capitulait sans condition. Le goût, ce mélange de cendre et de chair brûlée, de filets attendris et de graisse fondante, était enivrant. Et le jus ! Ce jus rouge ! De l'ambroisie.
A peine s'il fallait encore mastiquer sérieusement. La puissance élastique d'un muscle strié, qui avait imprimé à un gnou de trois cent kilos une vitesse de quatre-vingt à l'heure, vous fondait littéralement sur la langue. Ce fut une révélation. [...]
- C'est du génie, dit père avec un profond respect. Du pur génie. Un pas incalculable pour toute l'espèce. Les possibilités sont prodigieuses. »

Extrait de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis



Mammouth - Grotte de Pech-Merle


Par ici la suite »

dimanche 30 novembre 2008

Raphus cucullatus : histoire d'une tragédie

.

"Lorsque le dernier arbre aura été abattu,
que la dernière rivière aura été empoisonnée,
que le dernier poisson aura été capturé, vous vous
rendrez alors compte que l’argent ne se mange pas.
"
Chief Seattle, chef indien d’Amérique du Nord, 1854.




Raphus cucullatus, oiseau plus connu sous le nom de Dodo (ou Dronte) a disparu à la fin du XVIIe siècle. Endémique à l'ïle Maurice, il en est d'ailleurs devenu l'emblème à titre posthume... Tel Dalida, Claude François, C. Jérôme ou encore Pascal Sevran, sa mort lui a valu de devenir mythique ! Mais qui était réellement le Dodo ?

Physiquement, le Dodo ressemblait à une grosse dinde, ou à un gros pigeon... En tout cas, il était gros, dodu et gras. Haut de 70 centimètres, semble-t-il, il pouvait peser jusqu'à vingt bons kilos. Il avait des pattes noires, fortes et pourvues de quatre doigts jaunes. Sa queue était formée de quelques plumes assez courtes. Sa tête, en partie nue, était coiffée d'un capuchon noir et le puissant bec, jaunâtre, était allongé et recourbé. D'autre part, tout comme l'autruche ou le kiwi, ses ailes ne lui permettaient pas de voler. En effet, elles étaient courtes, voire même minuscules. Il semble donc qu'il avait un aspect quelque peu incongru et un tantinet ridicule...




Buffon, naturaliste ayant notamment influencé Darwin, l'a ainsi décrit :
« Représentez-vous un corps massif et presque cubique, à peine soutenu par deux piliers très gros et très courts… La grosseur qui, dans les animaux, suppose la force, ne produit ici que la pesanteur.

L'autruche, le touyou, le casoar, ne sont pas plus en état de voler que le dronte ; mais du moins ils vont très vite à la course, au lieu que le dronte paraît accablé par son propre poids et avoir à peine la force de se traîner : c'est dans les oiseaux ce que le paresseux est dans les quadrupèdes, on dirait qu'il est composé d'une matière brute, inactive, où les molécules vivantes ont été trop épargnées.

Il a des ailes, mais ses ailes sont trop courtes et trop faibles pour l'élancer dans les airs ; il a une queue, mais cette queue est disproportionnée et hors de sa place : on le prendrait pour une tortue qui se serait affublée de la dépouille d'un oiseau, et la nature, en lui accordant ces ornements inutiles, semble avoir voulu ajouter l'embarras à la pesanteur, la gaucherie des mouvements à l'inertie de la masse, et rendre sa lourde épaisseur encore plus choquante, en faisant souvenir qu'il est un oiseau. »
En 1618, Bentekoe, voyageur hollandais, racontait dans son journal :
« Il s'y trouvait aussi des Dod-Ersen qui avaient des petites ailes, et loin de pouvoir voler, ils étaient si gras qu'ils pouvaient à peine marcher et quand ils cherchaient à courir ils roulaient par terre. »



Découvert en 1598 par des marins portugais, le dodo avait complètement disparu moins d'un siècle plus tard... Alors que s'est-il donc passé ?

Il est bon de souligner que, jusqu'à l'arrivée des européens, Raphus Cucullatus n'avait jamais connu de prédateurs. D'autre part, sa démarche lourde et incertaine ne lui permettant pas de faire grand chose, il ne se nourrissait que de plantes basses, de graines et de fruits tombés des arbres. Sa physionomie pour le moins étrange et son comportement maladroit lui valurent une réputation de volatile paresseux et benêt. « C'est un animal tout à fait stupide… », disait un observateur de l'époque. Mais un animal qui n'a rien à craindre ne peut-il pas se permettre une certaine...? Le pauvre Dodo a ainsi connu une existence paisible jusqu'à la fin du XVIe siècle...

En effet, dès cette époque, l'île Maurice devint un lieu d'escale pour les navires au long cours. Et lorsque les marins débarquaient après de longs mois de privation, ils étaient tout contents de trouver de la viande fraîche et sur pattes. Mais le sort du Dodo fut définitivement scellé dès 1644, alors que l'île Maurice devint une colonie hollandaise. Le gros oiseau, empoté et ne connaissant pas le danger, fut le gibier le plus facile à chasser... et donc à exterminer. Les marins, dans leurs journaux de bord, en parlaient en ces termes :
« Ils viennent à votre rencontre sans méfiance, un rien hautains, l'air sévère, ils ouvrent leur bec, n'ont aucune crainte, paraissent même téméraires et ne reculent pas lorsque vous allez au devant d'eux. »
Ou encore :
« Lorsque nous étions à Maurice, île qu'on appelait jadis île de Cerne, il y avait un oiseau que nous décidâmes d'appeler « oiseau dégoûtant ». Nous avons essayé de le cuire, mais sa chair était si coriace que, même plusieurs heures de cuisson n'y changeaient rien. Bien que mal cuite, nous en mangeâmes malgré tout.

Comme cette île était vierge de tout habitant, les oiseaux n'étaient pas farouches et se laissaient approcher sans fuir. Ils demeuraient là, placides et immobiles, ce qui nous permit de les tuer sans difficulté. En résumé, cette terre s'est avérée riche, regorgeant, où que vous mènent vos pas, d'oiseaux et poissons en tous genres. »



Les Hollandais en tuèrent la majorité pour consommer leur chair ; ainsi, ils en chargèrent leurs navires afin de disposer d'une bonne réserve de nourriture. Ils le surnommèrent walgvogel ("oiseau dégôutant") car sa viande étaient absolument mauvaise et plus du tout comestible deux jours après la cuisson. Les hommes, ainsi que leurs animaux domestiques introduits (chats, chèvres, chiens, porcs... et même rats), furent donc à l'origine de l'extinction du dodo, aux alentours de 1680. La disparition de cette espèce fut d'ailleurs si rapide que l'on en vint, au XIXe siècle, à douter que le Dodo ait jamais existé.

Sa disparition subite l'a élevé au rang d'animal de légende... et on le retrouve un peu partout dans la littérature et au cinéma. Ainsi fait-il une brève apparition dans "Alice au pays des merveilles" de Lewis Caroll, ou encore dans "L'âge de glace", dessin animé dans lequel sa stupidité est largement mise en avant...

Afin de clore cet article ô combien indispensable à la blogobulle, je vous propose d'avoir ici une pensée pour Jojo le kiwi - grand ami d'elgJyn - qui, tout comme le dodo, est un oiseau coureur... En clair, il a des ailes, mais elles ne sont là que pour la déco... Espérons qu'il ne connaisse pas la même fin tragique que Raphus cucullatus...



Les illustrations sont de Harri Kallio.


Par ici la suite »

vendredi 28 novembre 2008

Les petits remèdes de Mère-Grand... (2)

.



Deuxième opus de la série Les petits remèdes de Mère-Grand. Tout comme le précédent, je n'ai rien modifié, pas même l'orthographe (les termes "enfants" et "parents" sans "t" par exemple lorsqu'ils sont employés au pluriel...).
Il m'a été très difficile de choisir les passages à publier tellement le document pullule de "perles"... J'ai choisi d'écarter tout ce qui concerne les bébés et nouveaux-nés, cela constituera un prochain post ; j'ai également écarté tout ce qui concerne les maladies "normales", comme la coqueluche, la rougeole, la scarlatine, les coliques, etc. Enfin, j'ai mis de côté tout ce qui était trop long...
Mon passage préféré est bien évidemment celui sur la Masturbation. Vous noterez que le terme a systématiquement droit à une majuscule...



Chapitre XXII - Maladie des enfans

A peine l'homme est-il hors du sein de sa mère, à peine est-il lancé dans le monde, que déjà les probabilités de sa vie future, déjà fort peu nombreuses, sont exposées à mille chances défavorables, à mille dangers plus ou moins certains. Ces chances, ces dangers, nous allons les trouver dans la série des nombreuses affections qui vont, comme à l'envi l'une de l'autre, tourmenter son enfance, arrêter son développement, diminuer ses forces, accélérer sa fin.
Parmi les maladies des enfans, les unes tiennent à l'enfant lui-même, à sa constitution, à sa conformation ; les autres proviennent des parens, des soins mal entendus de ceux-ci, de leur négligence naturelle ou forcée ; enfin, il y a, et ce sont les plus nombreuses, qui dépendent des vices et des passions qui ruinent la jeunesse, des travaux auxquels l'enfant est trop tôt condamné, des privations, des peines, des chagrins ou injustices dont il est abreuvé à chaque instant. Passons rapidement en revue toutes ces maladies, et insistons surtout, mais brièvement, sur les plus communes, les plus graves et les plus dangereuses.




§ XVI. Du Carreau.

Le Carreau, gonflement du vente avec dureté de cette partie, est une affection scrophuleuse contre laquelle les secours de la médecine sont souvent impuissans. En effet, que peut un art aussi borné dans sa puissance curative que l'art médical sur un mal qui a sa source primitive dans une mauvaise constitution, dans une mauvaise organisation ? Que peut la médecine toutes les fois qu'il y a altération, désorganisation des tissus, comme cela arrive si souvent dans le Carreau ? Que peuvent enfin toutes les ressources de la science contre un vice héréditaire, un vice qui a été engendré par tant d'autres vices déjà si souvent rebelles et si variés dans leurs formes et leurs modes d'action sur l'économie ; nous voulons parler de la syphilis, des dartres, du scorbut, etc., qui sont autant de causes du Carreau chez les enfans ? Bien peu de choses, malheureusement, et ce peu de choses nous l'indiquerons en parlant des scrophules en général.

§ XX. De la Syphilis chez les enfans.

Si la morale a à souffrir à la vue d'un enfant venant au monde avec tous les signes et caractères d'une affection vénérienne, l'humanité n'a pas moins à se plaindre quand elle voit, sur un enfant déjà âgé de quelques mois ou de quelques années, se déclarer tous les symptômes d'un mal aussi honteux que la Syphilis. Ces cas, malheureusement, ne sont pas extrêmement rares dans les villes. Heureux les villages qui en sont exempts, et plus heureux encore les enfans qui naissent de parens sains et robustes ! Ces derniers, du moins, ont quelques probabilités de parcourir leur existence sans traîner avec eux les stigmates du vice et de la débauche. Parfaitement bien constitués, doués d'une force et d'une santé tout à fait en rapport avec celles que donne toujours une naissance heureuse et régulière, ils n'ont point à redouter les maux repoussans d'une Dartre, d'une Scrophule, d'un Rachitisme, que beaucoup d'enfans doivent à la conduite coupable de leurs parens.
La Syphilis des jeunes enfans demandent les mêmes soins et le même traitement que la Syphilis des adultes. Mais comme cette maladie exige, pour être reconnue et traitée, des connaissances spéciales et positives que nous ne supposons pas acquises à nos lecteurs, nous bornerons là ce que nous avions à en dire, et nous nous contenterons seulement de conseiller aux personnes qui aiment à s'occuper des malheureux de faire promptement examiner par un homme de l'art tout enfant qui, en naissant, présenterait à la surface de la peau, à l'ouverture de l'anus, du vagin, de la bouche, des oreilles, etc., des tumeurs, des excoriations, des excroissances, etc., d'une nature suspecte ou insolite.




§ XXI. Danse de Saint-Guy.

La Danse de St-Guy ou de St-Weit, accès compulsif dont la durée est bien variable, et pendant lequel les malades exécutent des mouvemens, des gesticulations, des sauts bizarres, plus ou moins précipités et plus ou moins extraordinaires, a été observée pour la première fois, dit-on, autour d'une chapelle, près d'Ulm, ville impériale sur le Danube, dans le cercle de Souabe. Tous les ans, au mois de mai, viennent à cette chapelle, dédiée à St-Guy ou Gui, des fanatiques et des exaltés qui se livrent à des exercices, à des danses on le peut plus ridicules, et qui finissent par tomber dans des convulsions quelquefois réelles, et le plus souvent simulées. Mais toutes les personnes, tous les enfans, affectés d'accès convulsifs qui constituent la Danse de St-Guy, ne sont pas allés près d'Ulm, et il faut bien le reconnaître, cette maladie n'est pas toujours le fait de l'exaltation et de la jonglerie.
La Danse de St-Guy s'observe chez les enfans des deux sexes, mais principalement chez les filles de dix à quinze ans. Les purgatifs, les saignées en général, les moxas, les sétons à la nuque ou le long de la colonne vertébrale, les bains par surprise, les anti-spasmodiques sont les moyens à l'aide desquels on combat cette maladie. L'époque de la puberté, la menstruation des les jeunes filles, le mariage, ont souvent fait cesser tous les caractères de la Danse de la St-Guy.
La Danse de St-Guy, ainsi que l'Epilepsie et quelques autres Névroses, sont souvent simulées chez les jeunes gens à l'époque de la conscription, chez les jeunes filles que l'on contrarie dans leurs affections d'amour ou de mariage. La science possède des faits nombreux de ce genre ; heureusement que toutes ces ruses peuvent être facilement découvertes, et que les hommes de l'art ne sauraient y être trompés. Le lecteur nous pardonnera de ne pas lui faire connaître le vrai et le faux dans ces diverses affections, car il sera évident pour lui comme il l'est pour nous que ce serait sortir du cadre de notre sujet et de notre but, que de donner ici des descriptions et des détails qui appartiennent plus à la médecine légale qu'à la médecine pratique.




§ XXIX. De la Masturbation.

La Masturbation, habitude vicieuse et souvent mortelle, que les enfans contractent encore fort jeunes, qu'ils conservent en avançant en âge, et qui, chez eux, est la source d'une foule de maladies plus graves les unes que les autres, telles que la phthisie pulmonaire, le rachitisme, le marasme, la consomption, etc., etc., ne doit nous occuper ici que pour avertir les parens d'apporter de bonne heure, dans leur famille, la surveillance la plus active, la sollicitude la plus tendre et la plus dévouée. A chaque instant du jour et de la nuit, leur vigilance est indispensable pour déjouer les moyens et les artifices employés par l'enfance et la jeunesse qui a la fureur de la Masturbation. En effet, il est vraiment surprenant, incroyable et pénible tout à la fois, de voir avec quel acharnement, avec quelle ténacité, quelle persévérance, quelle sagacité, on peut le dire, les malheureux onanistes mettent en défaut l'oeil scrutateur d'un père ou d'une mère, d'un maître ou d'un directeur. Tout est mis en usage par eux pour assouvir leur funeste passion. Leur coucher, leurs vêtemens, leurs jambes, leurs cuisses, leurs mains, les camisoles préservatives dont on les habille, etc., sont autant d'agents excitateurs à l'aide desquels ils ruinent leur santé, énervent le moral et se préparent une vie honteuse, languissante et à charge à eux-mêmes.
Tout ce que la médecine a proposé contre l'onanisme, comme la diète, les bains tièdes, les boissons tempérantes et débilitantes, etc., ne vaut pas ce que la surveillance, les soins bien entendus d'un père et d'une mère peuvent faire en pareille circonstance. Ceux-ci, en effet, par leurs soins et leurs veilles continuelles, par les conseils qu'ils donneront et les punitions qu'ils infligeront, les plaisirs, les jeux, les promenades qu'ils procureront, les précautions qu'ils prendront de ne jamais laisser leurs enfans seuls, la constance qu'ils auront à les surveiller le jour et la nuit, la persévérance qu'ils mettront à leur faire comprendre les conséquences malheureuses d'un vice aussi honteux et aussi funeste que celui de la Masturbation, contribueront beaucoup plus à détruire la mauvaise habitude des plaisirs secrets que tous les remèdes fournis par la pharmacie, l'hygiène et la thérapeutique. C'est donc aux bons parens que nous confions la cure de l'onanisme.




§ XXXI. Abus des sucreries chez les Enfans.

Une habitude des plus mauvaises, si elle n'est pas toujours dangereuse, chez les parens, c'est de gorger les enfans de Bonbons, de Sucreries de toute nature et de toute espèce. Il semble vraiment, à les voir faire et à les entendre dire, qu'ils croiraient manquer de bonté et de tendresse s'ils n'agissaient pas ainsi. Mais combien leur erreur est grande, et combien la faiblesse qu'ils ont de satisfaire ainsi à la friandise de leurs enfans est nuisible à la santé, à la force de ces derniers ! Qui ne sait par expérience que les enfans des malheureux, qui ne connaissent souvent des Sucreries et des Friandises que le nom, ont presque toujours un teint meilleur, une constitution plus robuste, une force plus grande que ceux des villes et des riches ; que ceux-ci, au contraire, qui ne manquent de rien de ce que donnent l'opulence et la mollesse, sont le plus ordinairement faibles, pâles, efféminés. Une nourriture plutôt saine que succulente, plutôt fortifiante qu'abondante ; des mets plutôt choisis que recherchés, du pain sec plutôt que des gâteaux, des fruits mûrs plutôt que des confitures et des sucreries, du vin plutôt que des liqueurs, tels sont les alimens qui conviennent aux enfans riches ou pauvres, à qui l'on veut assurer une force et une santé capables de lutter avantageusement contre le besoin, les revers de fortune et les privations qui peuvent les atteindre dans le cours de leur vie.


Extraits de : La médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres / Philippe Hecquet (1661-1737) : auteur présumé du texte. - G. Baillière, 1839.

Illustrations : Bartolomé Esteban Murillo, (1618-1682)


Par ici la suite »

jeudi 27 novembre 2008

Le blog-fantôme...

.


Le fantôme par Mademoiselle Jeanne


Je te sais perspicace, Ô Toi Lecteur assidu... et tu n'auras donc pas manqué de constater que ce blog végète depuis quelques temps... Et oui, Inspiration m'a abandonnée (la garce !), elle s'est fait la malle... Et je crois même qu'elle en a profité pour partir avec Humour, Enthousiasme et Joie de vivre... Mais noonnn.... je plaisante...!! [Encore que...]

Alors voilà, étant donné que tu me réclames à corps et à cris un nouvel article [comment ça, ces voix sont uniquement dans ma tête ?! hum... ça expliquerait mon dernier rêve... bref...], je me suis dit qu'il fallait que je force le retour d'Inspiration... Mais comment ?! J'ai regardé mes derniers posts : catastrophe !! Je te prie de bien vouloir accepter mes excuses... Il y a bien trop de contes... Pour ma décharge, ce sont les seuls textes qui m'inspirent un brin, en ce moment... Mais je reconnais aisément que tu n'es absolument pas obligé de partager ce goût un tantinet douteux...

Alors que faire ?! Je me suis prise par la main, et je suis retournée faire un petit tour sur mon ancien blog... Je sais que tu en es un peu nostalgique, il était bien plus drôle et bien plus léger que Le Chemin des aiguilles... J'ai relu quelques posts, au hasard de mes clics, et oh! surprise : je me suis fait rire...! Bon, je reconnais que je suis plutôt bon public, surtout lorsqu'il s'agit de mes vannes (et c'est bien l''essentiel, tu en conviendras aisément !)... J'étais poilée de rire devant mon ordi en redécouvrant mes déboires... C'est un peu pathétique, je sais bien... mais que veux-tu...




A ce stade de mon récit, tu te demandes encore où je veux en venir... Et bien voilà, je viens de prendre une résolution qui va certainement te faire sauter de joie (deux saltos-arrières, un triple loots double boucle piquée) : je vais essayer de ressusciter Le Chemin des aiguilles !! Tu es content, hein ?! Oui, je savais que ça te ferait plaisir... Mais je vais avoir besoin de ton aide et de tes encouragements... Tu sais (ou pas) combien il est difficile de faire vivre un blog... Il n'y a qu'à regarder ce qui se passe en ce moment sur la blogobulle : Beber ne publie plus qu'une fois chaque dix lunes, Elbereth change de Taverne pour essayer de recadrer ses divagations, Doc Lo Ko déménage elle aussi... Varandzo, Krissolo et Elsa ont disparu... Et preuve ultime de la décadence de la blogobulle : elgJyn est en rade d'inspiration lui aussi !! Alors t'as qu'à voir, hein !!

L'idée est donc de faire vivre à nouveau ce blog, de continuer (un peu) sur la même lancée, à savoir publier des textes "sérieux" et des trucs qui me tiennent à coeur mais quine seront pas forcément drôles, quelques poèmes, quelques contes (mais pas trop)... continuer aussi les séries "Les petits remèdes de Mère-Grand", "La petite ville rouge", et quelques autres... Je vais également essayer de vous parler un peu plus du petit Chaperon rouge (celui du conte, hein)... Et puis je vais essayer de "rapatrier" quelques petits thèmes du précédent blog, dans le genre "Femme de joueur de rugby", ou "Je râle contre tout et tout le monde, et en particulier contre mes collègues"... Je ne te demande qu'une chose en échange : pourras-tu faire preuve d'un mélange d'indulgence et de patience, le temps que la machine se remette en route jusqu'à un bon rythme de croisière...? Je t'en remercie par avance...

Allez... on se lance... Et comme dirait Buzz l'éclair : « Vers l'infini, et au-delà !! »

Illustration : Résurrection des morts, Vitrail - Musée de Cluny, Paris


Par ici la suite »

lundi 17 novembre 2008

Conversations venues d'ailleurs...

.



(L'usager - oui, la personne qui fréquente une bibliothèque ou une médiathèque n'est plus un "lecteur", mais un "usager"... - souhaitait se connecter à Internet. Son identifiant est inscrit sur sa carte d'abonné, et pour qu'il soit autonome lors de sa prochaine connexion, je lui ai souligné cet identifiant avec un marqueur fin.)

L'usager :
– Eh ! Dites donc ! Ce trait, là, que vous avez fait sur ma carte, il faut l'effacer, hein !!
Moi :
– Je ne peux pas, c'est indélébile...
L'usager (avec une lueur d'incompréhension dans le regard...) :
– Vous avez dit quoi ?!
Moi :
– J'ai dit : "c'est indélébile"...
L'usager (l'ironie se lit maintenant dans son regard) :
– Aaaaaaaaaaaaaaaaah.... vous avez dit "un stylo bille"...! Et ben dis donc, vous parlez drôlement bien français, vous, hein...
Moi (perplexe) :
– ... ... euh... non... j'ai dit "indélébile"... le mot "indélébile"...
L'usager (passement énervé maintenant) :
– QUOI ???!!! Vous me traitez de débile ??!!!
Moi (limite paniquée maintenant, et avec les nerfs qui commencent à monter grave...) :
– ... ... .... non... je vous dis que je ne peux pas effacer le trait que j'ai fait sur votre carte, parce que l'encre est indélébile, elle ne peut pas s'effacer... le mot "indélébile"... qui signifie "qui ne peut pas être effacé", quoi...
L'usager :
– ...mouaih... c'est ça, ouaih... De toute façon, je vous préviens : je vais aller chercher un dictionnaire et je vais aller le voir, votre mot, hein !! Attention !!
Moi (perplexe, effrayée, amusée...) :
– ... ....
Et il est parti tout colère vers le rez-de-chaussée pour trouver un dictionnaire... Il est revenu un peu plus tard, mais ne m'a plus parlé de ça.




Il nous a à nouveau sorti quelques perles, mais je crois que la plus jolie est celle qu'il a sorti quelques jours plus tard à un de mes collègues :

L'usager (toujours le même, donc) :
– Eh, vous êtes bien un copain du type de chez E.C. ?! [E.C. est un magasin de bricolage, ou un truc dans le genre - ndlr]
Le collègue :
– ...euh... non...
L'usager :
– Ah ben non, quel idiot !! Vous n'êtes pas son copain... Vous êtes son frère !!
Le collègue :
– .... ... euh... non ....
L'usager :
– Ben si, vous êtes son frère !! D'ailleurs vous lui ressemblez drôlement, hein !!
Le collègue :
– .... .... ben peut être, mais je ne suis pas son frère... et puis je ne le connais pas....
L'usager :
– Non parce que vous savez, en fait, je veux faire des affaires avec lui, mais il veut pas. Alors je me disais que comme vous êtes son frère, vous pourriez lui parler de moi, quoi...
Le collègue :
– ... ... ...

Elle est pas belle, la vie en médiathèque municipale ?!


Vous aurez remarqué que les illustrations n'ont rien à voir avec le propos,
mais vu que je ne trouvais rien qui me convenait,
j'ai mis une jolie photo d'un petit chaperon rouge qui s'en va,
ainsi qu'une belle photo de forêt aux couleurs automnales...


Par ici la suite »

dimanche 26 octobre 2008

Le petit nuage

.


Encre de Dominique Landucci


Le petit nuage

Par une chaude matinée d'été, un petit nuage blanc s'éleva des bords de la Méditerranée. Il se mit à danser dans le ciel bleu au-dessus de Grau-du-Roi. Il pouvait voir tout le pays. Et la sécheresse sévissait ! Et la mauvaise eau, la malaigue, empuantissait les roubines, les étangs.

Il était seul, le petit nuage, dans le grand ciel bleu. Et il s'embêtait. Il croisa un goéland pygmée qui arborait son bonnet noir de printemps.

« Là-bas, dans les vignes, ça grille ! » siffla l'oiseau. Le petit nuage aperçut des vignerons qui scrutaient le ciel. Ils devaient être malheureux. Cela faisait de longs mois qu'il ne pleuvait pas. Le petit nuage, lui, flottait dans l'immensité du ciel, joyeusement. Il descendit de plus près pour observer le travail des vignerons. Il faisait très chaud, l'air était étouffant.

« Si tu pouvais nous aider ! » suppliaient les vignerons. Le petit nuage voulait bien les aider, mais il savait qu'en agissant ainsi, il mourait.
— Et puis, dit-il aux vignerons, je suis si jeune, si petit, je ne donnerai que quelques gouttes de pluie...
— Va voir le Grec ! lui chanta Ramal, le plus vieux des vignerons qui fumait sa pipe assis sur un banc de pierre, devant sa maison, à l'ombre d'un platane.
— Et qui c'est le Grec ? chuchota le petit nuage, moi, je ne connais personne de ce nom !
— Oh là là, dit Ramal, tu ne connais pas le Grec, toi, un nuage ?
— Non, gémit le petit nuage.
— Écoute-moi, pauvre enfant, s'écria le plus vieux des vignerons, grandis, grossis ! Et puis, un beau jour, tu le rencontreras le Grec ! Il te conduira jusqu'à nous !



Lonely Cloud by Meelas


Le petit nuage se dit que le vieillard commençait à radoter. Et ils en connaissaient des histoires, les vieux ! Ils parlaient de tout et de rien : « De mon temps... Et patati et patata ! Les cerises ! Le sourire des femmes ! Les charrettes et les chevaux ! »

A croire qu'ils n'avaient que ça à faire : raconter leur enfance, leur vie, leurs amours !

Un matin, le petit nuage avait aperçu le vieux vigneron qui marchait difficilement sur le chemin appuyé sur sa canne. Il était venu lui parler.
— Bonjour, Monsieur Ramal.
— Ah ! c'est encore toi, diablotin ! Et que me veux-tu aujourd'hui ? Tu ne vois pas qu'il fait trop chaud ? Va donc rejoindre tes frères !
— Monsieur Ramal, avait murmuré le nuage, Monsieur Ramal !
— Et quoi donc encore ?
— Je voudrais que vous me parliez des vents...
Le vieillard avait hoché la tête.
« Ah, les vents, avait-il dit, les vents ! On pourrait en parler pendant des mois !»
Le vieil homme s'était contenté de donner quelques explications au petit nuage. Le vent Cers tirait son nom d'un dieu gaulois qui avait enlevé la vierge Orythia, le Grec était un vent tiède et moite qui apportait la pluie.
« Le Grec a la pluie au bec, avait rajouté le vieux vigneron, et la pluie est bonne pour le blé, pour la vigne, pour les hommes. Elle donne la vie, sans elle tout est sec, tout meurt... »
Puis, ne pouvant réconforter le vieillard, le petit nuage partit vivre sa vie et, un matin, il rencontra ses frères, les nuages, les beaux et merveilleux nuages que le vent poussait vers la côte.
— Où allez-vous ainsi ? leur demanda le petit nuage.
— Sur le Lez, répondit le premier.
— Sur la Buèges, répondit le deuxième.
— À Saint-Guilhem-le-Désert, répondit le troisième.


La garrigue, sous eux, somnolait écrasée de chaleur. Le petit nuage n'avait guère grandi, mais il avait trouvé les siens et il décida de faire comme eux.

« Je viens avec vous » déclara-t-il sans ambages. Alors, du haut de son étoile enchantée, le vent Grec emboucha sa corne et souffla en direction de la terre.

Les nuages partirent au galop et sous leurs pieds jaillirent des éclairs. Le tonnerre ébranla les cieux.

Ils descendirent au plus près de la terre et, doucement, finement, s'épanchèrent en pluie fine sur les amandaies et les vignes.

Ils mouraient, les nuages, afin de donner à leur vie tout son sens. C'est ainsi que le petit nuage de notre conte devint une gerbe de pluie, ondulante, cristalline.

La pluie vint grossir les sources et les rivières du pays. Les vignes, les blés, les amandaies furent sauvées.

Dans les villages, les hommes poussaient des cris de joie, les enfants, les femmes à demi dévêtues dansaient sous la pluie.

Le vieux Ramal était toujours assis sur son banc. Il songeait à sa rencontre avec le petit nuage.
« Plus rien ne sera désormais comme avant si les hommes savent parler aux nuages » grommela-t-il.
Quand le soir tomba sur le pays rasséréné, un arc-en-ciel se dessina à l'horizon. Il était si magnifique que Ramal ne douta pas qu'il fût l'œuvre du petit nuage et de ses frères.


in Contes occitans
Jean-Pierre Védrines
C. Latour, 1997 (Colporteur)


D'après la narration d'un vieux pêcheur, on dit au Grau-du-Roi que le Petit Nuage revient souvent pour écouter le long bruissement de la mer et le tohu-bohu populaire de la ville ; qu'il fait son régal des couchers de soleil sur la plage et les étangs.


Par ici la suite »

dimanche 12 octobre 2008

Une nouvelle saison...

.


Toi qui n'a jamais joué...

Dans le vestiaire étroit
Les deux grands bancs de bois
L'odeur d'huile camphrée
Le bruit sec des crampons
Sonnant sur le béton
Moi j'ai pas oublié
Tu te mets le maillot
T'es tout neuf, t'es tout beau
Qui sait si tu as peur
Un regard, quelques mots
Le rugby ça tient chaud
Le dimanche à 15 heures

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



A l'heure de vérité
Plus question de tricher
Quand on est face à face
Ce petit homme en noir
Et ce ballon bizarre
Tout le reste s'efface
Et tu donnes et tu prends
Et tu cours dans le vent
Vers la terre promise
Et tu gagnes ou tu perds
Paradis ou Enfer
Mais le temps cicatrise

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



Et le combat fini
Les frères ennemis
Ensemble sous l'eau pure
Avoir la même foi
Avoir les mêmes joies
Ça soigne les blessures
Et ça gueule à tue-tête
On oublie la défaite
Ou on chante la victoire
Toi t'as jamais chanté
Montagnes Pyrénées
Et les chansons à boire

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



Vient le temps des regrets
Et l'on garde à jamais
Ça te fera sourire
Un maillot délavé
Des crampons déchirés
Des tas de souvenirs
Comme ils sont de chez nous
Les Héral, les Fédou
Qui l'ont si bien montré
Et ne sois pas surpris
Quand je parle rugby
J'ai la gorge nouée

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le cœur serré
Lorsque revient septembre




Il n'existe pas un seul rugbyman qui ne connaisse pas cette chanson. Les paroles varient – sensiblement – d'un club à l'autre. Je vous fais grâce de la bande son, mais sachez qu'un rugbyman qui la chante est toujours très "habité"...
Les photos ont été prises lors de la saison 1999-2000 du Sporting Club Albigeois. Il était alors encore question de "mouiller le maillot" pour l'amour d'un club, d'une ville... Le club était en première division amateur, c'était la dernière saison du bûcheron au SCA... Il se pourrait même qu'il apparaisse sur ces photos... Allez savoir...!


Par ici la suite »

dimanche 28 septembre 2008

T'as d'beaux yeux, tu sais...

.


Sainte-Lucie - Francesco del Cossa, 1435-1477
National Gallery of Art - Washington


Vos yeux trop purs me font mourir

Un prince, un jour, à Fontevrault, rencontra une jeune nonne. Elle était frêle, blanche, belle, on l'aurait dit rêvée par Dieu. Ce prince en eut le cœur poigné. Il vint à elle dans le cloître. Il osa lui prendre la main, s'égarer dans son regard droit, lui avouer son désir d'elle.

— Monseigneur, lui répondit-elle, toute ma vie est à Jésus. Par pitié, ne la troublez pas.
Elle rougit et s'en fut en hâte. Le prince s'en alla aussi, ivre d'amour déraisonnable.

C'était un homme ardent et fort. Nul n'avait jamais tenu tête à ses envies, à ses passions. Il revint sous l'orme du cloître guetter patiemment la recluse, lui parler, effleurer sa joue et la retenir par la manche. Elle prit la fuite, obstinément. Un jour il envoya son page à la chapelle où elle était. Le garçon au seuil du portail remit à la nonne une lettre où l'amoureux avait écrit :
« Vos yeux trop purs me font mourir. »
Il implorait un rendez-vous. Elle répondit au messager :
— Ce soir, au parloir du couvent.
Le prince y fut à l'heure dite, le cœur battant, l'esprit en feu, espérant mille joies secrètes. Dans la pénombre de la salle, il la vit s'avancer vers lui, lente, droite, à peine hésitante. Elle pleurait des larmes de sang. Sous le front lisse et les sourcils étaient deux trous terrifiants. Elle portait un plateau d'argent, le lui tendit en murmurant :
— Vous aimez mes yeux, les voici. Faites-en selon votre cœur. Dieu m'a gardée du déshonneur, qu'il ait pitié de vous aussi.


Henri Gougaud,
Contes amoureux & La Bible du hibou


Par ici la suite »

dimanche 21 septembre 2008

L'Albigeois

.


Encre de Dominique Landucci


L'Albigeois

Maître Jean-Jan Fau dit "l'Albigeois" qui avait épousé Jeanne Passebise était tailleur de pierre.

Ce jour-là, il avait refait un rampan de pignon de l'église Saint-Benoît qui avait été endommagé par un orage à l'automne. Puis il avait mis sa mailloche, son ciseau, sa râpe et son burin dans son sac et il avait quitté la ville dans le crépuscule pour rejoindre son logis.

Il habitait dans la campagne, près de Castres. On était la veille de Noël et dans chaque foyer on s'apprêtait à fêter la Nativité.

Jean-Jan s'était arrêté à l'étal du fournier pour acheter un nougat et quelques friandises. En le servant, la vieille Sérana lui avait dit :
— Faites attention aux loups, Maître Fau, on dit qu'avec le froid, ils descendent du plateau...
— Oh ! avait répondu l'Albigeois, les loups ne mangent pas les gens comme ça !
Et le tailleur de pierre avait pris la longue route qui conduit à Roquecourbe. Il fallait qu'il traversât ensuite la forêt. Puis il apercevrait les lumières du village. La neige recouvrait les champs. Il pensa aux notes de velours noir du hautbois qui animerait la veillée dans quelques heures. On danserait échauffés par le vin et les verres d'eau-de-vie. Les cheveux noirs de l'Albigeois bouclaient sur sa nuque.

S'appuyant sur son bâton, Maître Fau marchait dans la neige. La lune se levait à l'horizon. Dans les maisons, les familles se regroupaient autour du feu.

L'Albigeois pensa aux chevaux de feu qu'il voyait dans ses rêves. Il frissonna. Il était seul dans la nuit. Il remonta les pans de son manteau de roulier. A chaque pas, il s'enfonçait plus profondément dans la neige. Le vent glacé rôdait dans les buissons.

L'Albigeois longeait maintenant des peupliers, la tête inclinée, la main serrant son gros bâton.
Parfois, il croyait entendre le haubois, la musette ou le tambourin : les anges venaient tirer de leur sommeil les bergers pour leur annoncer l'évènement tant attendu : la naissance du Christ. Bientôt les cloches carillonneraient et l'on donnerait l'aubade à l'enfant.



A l'église, ils iraient déposer l'offrande aux pieds du nouveau-né. Avec Pierre, son fils, ils apporteraient des oiseaux, des châtaignes et des pommes. Ils trouveraient le Noëlet tout nu sur le sol à peine couvert de paille entre le bœuf et l'âne gris avec la Vierge à ses côtés. Saint-Joseph, le brave homme, avec des tampons de paille serait en train de boucher les fissures pour que le petit n'ait pas froid.

Pierre dirait goguenard :
— Père, c'est la maison des quatre vents !
Il ne ferait pas chaud dans l'église. Ils admireraient aussi les santons de la crêche. Lo Ravi qui ouvre des yeux ébahis, coiffé jusqu'aux oreilles d'un bonnet de coton à rayures ; le Rémouleur à la casquette de peau, en tablier de cuir noir qui actionne du pied la roue à pédale ; le Meunier enfariné avec son sac sur l'épaule ; l'ange Bouffarel aux joues bouffies de gloire ; le Caraque déprédateur, voleur et coureur de grand chemin ; le Chasseur avec son fusil tenant par les pattes le lièvre et qui porte dans sa gibecière les grives qu'il a tuées le matin même : le Pêcheur au bonnet rouge chaussé de bas de forçat et de sabots avec sa ligne au bout de laquelle se balance une truite aux écailles en papier d'argent ; le Mitron portant sa corbeille de fougasses et de pains ; le vieil Aveugle qui a des cheveux blancs et que guide un jeune enfant sur l'épaule duquel il s'appuie d'une main tandis que dans l'autre son bâton en bois d'olivier tête le terrain ; la Marchande de Poissons avec ses deux paniers aux bras apportant des rougets couchés sur un lit d'algue verte ; il y aurait aussi la Laitière coiffée de la coquette et brimbalant ses pots à lait, la Marchande de Vin à la peau dorée comme un abricot...

Toutes ces images du plaisir de Noël défilaient devant les yeux de Maître Fau. Pierre, cette année, pour la première fois, avait participé à la quête des compagnons de l'Aguilloné. C'est lui qui avait porté la lanterne tandis que Raymond et Fabrice poussaient l'âne où les jeunes gens chargeaient les victuailles tandis que Guillaume entamait un chant où il énumérait souhaits et demandes. Avec les dons, les compagnons feraient des pains bénits à l'anis et un magnifique réveillon.

* * *

L'Albigeois était plongé dans l'obscurité. La lune se cachait derrière de gros nuages noirs. Puis la neige, doucement, se mit à tomber. Quand le vent eût chassé les nuages, Maître Fau ne reconnut pas son chemin habituel. Certes, il était dans la forêt, mais il ne savait plus s'il avait tourné à droite ou à gauche du calvaire. Et la neige lui brouillait la vue. Il comprit qu'il s'était perdu.

Était-il loin du village ? Il grimaça un sourire :
« Mon Dieu, que c'est bête, et la nuit de Noël en plus ! »
Quand il vit l'étoile, il pensa qu'il était sauvé.

N'était-ce pas la nuit de la Nativité où les bergers aux vestes rouges en guêtres blanches et en sabots ronds entourés des femmes du village vont rendre visite au nouveau-né ?

Il fallait que l'Albigeois marchât vers le nord, inlassablement. Dans l'ombre mystérieuse, il entendit soudain comme une course feutrée. Quand il put allumer son briquet d'amadou, il aperçut une bande de loups. Le plus gros, le plus fort, était un loup gris qui se mit à hurler aussitôt à la mort.

L'Albigeois reprit son souffle et s'enfonçant jusqu'aux genoux se mit en demeure de suivre la direction que lui indiquait l'étoile. Tout en marchant, il se mit à parler à haute voix. Tant que l'homme est debout, disait-on au village, le loup ne l'attaque pas. Ah qu'elle était loin la maison chauffée par un grand feu de chênes, les visages de Jeanne et de Pierre qui étaient pour lui dans cette nuit froide tout son espoir !

Il se mit à chanter dans le vent. Il serrait fiévreusement le poing sur son bâton. Par moment, il trébuchait et croyait sentir le souffle des loups sur ses mollets. La présence sauvage se rapprochait.

Il hurlait :
« Qu'est-ce que vous croyez, Loups ? Vous allez voir ! »
Tout au fond de lui-même, le tailleur de pierre s'accrochait à l'espoir de vaincre la horde. Dans sa mémoire, il retrouvait le nom que donnaient les anciens au loup gris : “Le Loup rusé”.

Quand il se retournait et allumait son briquet d'amadou les loups se reculaient. Il criait : « Peuchère, les voilà ! » La neige tombait en fleurs d'amandier sur son visage. Il pensait à Jeanne, à ses dents blanches. Elle riait toujours en fermant les yeux... La terre échappait à Maître Fau. Le vent gémissait lugubrement dans les chênes. L'Albigeois entendait dans sa tête une douce musique. Ah s'il avait pu courir !




Dans un grand tourbillon blanc, le loup gris apparut sur le chemin en face de lui. Les doigts gelés de l'Albigeois faillirent lâcher le bâton. Il s'était arrêté et ressemblait à un arbre de la forêt. Les grands yeux ouverts, Maître Fau ne voyait que le loup gris. La lune éclairait la scène. Il fit tourner son bâton et hurla. Il ne savait plus ce qu'il disait. C'était un cri, plutôt. Un appel de l'homme dans ce qu'il a de plus primitif. Il parlait une langue de chaos, de brûlures, de violence. Il aurait pu saisir le loup avec ses dents. Il se sentait proche, de la mort, de la somptueuse flamme de ses ancêtres qui ne reculaient devant rien. Le cri qu'il poussait entrait un plus vif de sa chair. Il était un danseur de lumière, l'un des quatre vents du monde.

Il sortit de son sac, son ciseau et se râpe. Il s'adossa au rocher et regarda les grands arbres nus qui ployaient sous la neige.

Avec la râpe, il tapa sur son ciseau. Et les loups, autour de lui, le poil hérissé, établirent un cercle d'échines sombres et d'yeux luisants. Il fallait qu'il parlât et dansât jusqu'au matin. Il pensa aux hommes d'autrefois, aux anciens : le cri de ces hommes montait dans sa poitrine.

Le premier avait commencé à marcher en grognant.

Plus tard, c'était un homme jeune qui avait volé le feu à la foudre.

Puis un autre encore avait taillé du silex.

Puis le quatrième avait peint les murs de sa grotte, cette mémoire vivante de l'humanité. Maître Fau était comme au bord d'une fenêtre. Il dansait. Il tapait sur son ciseau avec la râpe. Il gémissait, virevoltait. Il n'était pas isolé du monde dans ce désert de neige. Même seul, il était multiple. Il aurait pu chevaucher un cheval noir, écrire un poème, allumer dans le ciel une étoile. Chaque fois qu'il gonflait sa poitrine, le loup gris tournait sur lui-même. Il parla jusqu'à l'épuisement. Il raconta tout ce qu'il savait, son enfance sur le plateau, son mariage avec Jeanne, la naissance de Pierre, son métier de tailleur de pierre.

* * *

Il avait une voix racailleuse qu'il adoucissait.
« Rester debout, se disait-il, seule position acceptable, seule position qui nous a fait hommes et qui nous sauvera... »
Par moment, l'Albigeois en tapant sur son ciseau poussait un cri lugubre. Les loups ne le quittaient pas des yeux. Seul, le loup gris, s'avançait et hurlait. A une minute de grande absence, Maître Fau faillit s'endormir. Mais l'idée même du sommeil s'échappa de sa tête.

Alors il se remit à danser et à parler dans le cercle des loups tout en tapant de ses doigts gourds avec sa râpe sur son ciseau. Sans arrêt. Enfin, l'aube se leva.

Les loups déguerpirent.



Et, derrière l'Albigeois épuisé, sans bruit, un souffle de vent passa qui ressemblait à une ombre...




in Contes occitans
Jean-Pierre Védrines
C. Latour, 1997 (Colporteur)


Par ici la suite »

mardi 16 septembre 2008

Les petits remèdes de Mère-Grand...

.


The Three Ages of the Woman and the Death - Hans Baldung Grien, 1509-10


Inauguration d'une toute nouvelle rubrique : Les petits remèdes de Mère-Grand... Premier post d'une série que j'espère longue... Les textes publiés ici sont des reproductions exactes de la publication d'origine. Je n'ai rien modifié, rien retouché...


Chapitre XXI - Maladie des femmes

§ II. Règles chez les Femmes, les provoquer.

Prenez le matin à jeun, pendant quelques jours, quatre doigts de jus d'Armoise dans un verre.

Faites bouillir une bonne poignée de Matricaire dans un pot de terre vernissé tenant deux pintes d'eau ; faites réduire aux deux tiers ; donnez un bon verre tiède de cette décoction trois ou quatre matins de suite à jeun, vers le temps à peu près que les règles doivent venir.

Soumettez la femme à une fumigation d'Aloës, d'Armoise ou de Souci, jetés dans un réchaud plein de feu ; les vapeurs seront reçues par les parties sexuelles.

Il est inutile d'observer que les Règles ne doivent être provoquées qu'autant que rien de naturel, qu'une grossesse présumée ou douteuse, par exemple, ne s'oppose à leur apparition habituelle. Non-seulement il y aurait faute, dans ce dernier cas, à donner des emménagogues, mais encore il y aurait crime, et crime sévèrement puni par les lois. La femme ou la fille qui ne reculerait pas devant l'emploi de médicaments pris dans le cas de grossesse commençante courrait elle-même les plus graves dangers pour sa santé. On a vu des femmes, dont les douleurs utérines étaient tellement violentes après l'injection dans l'estomac de substances propres à rappeler les Règles, ou bien après toute autre manœuvre également criminelle, accuser hautement, dans les angoisses qu'elles ressentaient, les malheureux qui avaient cédé à leurs larmes et à leurs prières, et livrer ainsi aux tribunaux les complices de leur infanticide. Que ceux-là donc qui seraient assez malheureux pour essayer de provoquer les Règles quand même, n'oublient pas que le plus ordinairement ils trouvent des dénonciatrices dans celles qui d'abord leur avaient promis reconnaissance et discrétion. Mais revenons aux soins et aux conseils que nous devons aux femmes, avant et pendant leurs Règles.

Avant les Règles, la femme doit éviter tout refroidissement subit, toute agitation violente et passionnée, tout travail trop fatigant ; elle doit aussi se livrer à des promenades peu longues, à un exercice modéré, fuir le chagrin, l'ennui et les contrariétés ; s'abstenir de corsets trop justes, de jarretières trop serrées, etc. Les mêmes précautions seront observées pendant la durée des Règles. A ces précautions, nous ajouterons et nous insisterons sur les suivantes : les émotions, la peur, la surprise, la colère, etc., ayant à toutes les époques de la vie la plus grande influence sur l'état général des femmes, on conçoit facilement combien cette influence sera plus grande encore à l'époque des Règles. On s'abstiendra donc constamment, envers les femmes, de ces amusements où la malice, la plaisanterie remplacent trop souvent la raison et la prudence ; on évitera tous les faits, actes et gestes qui peuvent donner lieu à la frayeur ou à la surprise ; on évitera surtout ces jeux si communs dans les campagnes où, pour faire rire les autres, on se jette réciproquement des verres d'eau froide à la figure, où l'on se pousse brusquement dans un trou ou un ruisseau plein d'eau, etc.

Pendant les Règles, les femmes éviteront d'être mouillées par la pluie ; cela n'ayant pu être fait, elles se hâteront de changer promptement de linge et d'en mettre d'autre sur le corps, après l'avoir préalablement chauffé. Des exemples nombreux, journaliers, démontrent l'inutilité de ces précautions, et observer ces dernières serait au moins ridicule, pour ne pas dire impossible, dans les campagnes surtout. A cela nous ne répondrons qu'une chose, c'est que toutes les femmes qui ont payé de leur santé et de leur vie la négligence des conseils que nous venons d'indiquer, n'ont pu dire aux incrédules tous les regrets qu'elles avaient éprouvés d'avoir si follement enfreint les lois de l'hygiène et de la raison.

[pp. 215-217]



The Three Graces - Hans Baldung Grien, 1539>


§ IV. Menstruation, ou établissement des Règles chez les jeunes Filles

Il est des jeunes filles, et c'est le plus grand nombre heureusement, chez lesquelles la menstruation se fait sans la moindre altération de la santé ; il en est d'autres, au contraire, chez lesquelles cette fonction sexuelle ne se fait pas sans beaucoup de difficultés, sans beaucoup d'inquiétude pour les parents : nous allons parler pour celles-là.

Une jeune fille qui arrive à l'époque des Règles doit avoir des habitudes peu sédentaires, un travail peu fatigant, un exercice fréquent et plutôt actif que modéré. Ses parents, ou les personnes qui l'entourent, doivent lui procurer tous les plaisirs, toute la distraction, tous tes jeux de son âge et de son sexe. Ses habillements seront peu serrés, plutôt un peu chauds que trop légers ; son corps sera libre dans ses mouvements ; sa poitrine, non comprimée dans un corset, prendra tous les développements nécessaires à la respiration et à la circulation. Les aliments seront de facile digestion, pris souvent et en petite quantité à la fois. Son coucher sera plutôt dur que trop moelleux. Telles sont les principales conditions à remplir pour faciliter la première apparition des Règles.

Toutes ces règles d'une hygiène et d'une éducation bien entendues sont-elles sans résultat ? Il faut alors recourir aux Bains de siège, aux Bains de pieds très chauds ou sinapisés, aux infusions légères d'Armoise, d'Absinthe ou de Safran, et, enfin, à une, deux, trois Sangsues au plus, appliquées une ou deux fois par semaine sur les grandes lèvres.

La difficulté des Règles tient-elle à des affections de l'âme, à des passions, à des chagrins, de l'ennui, de la mélancolie ? L'amitié des parents, le dévouement des amis, doivent dans ces cas être les seuls médecins. On évitera donc tout ce qui peut entretenir les causes de tristesse et de mélancolie ; on fera faire quelques voyages, on imaginera des occupations actives, gaies et très variées, on conseillera les travaux de jardinage, de basse-cour, etc.

La Menstruation ne se fait-elle pas parce que la constitution générale du sujet est trop faible, trop molle, comme on le dit vulgairement ? On conseille l'usage des boissons et des préparations ferrugineuses, telles que l'Eau ferrée, les Pilules de Carbonate de fer, les Eaux minérales ferrugineuses, etc. Enfin, la Menstruation est-elle empêchée par un état pléthorique, une force qui n'est point en rapport avec l'âge ? Une Saignée ou deux du bras ou du pied suffisent quelques fois pour déterminer l'écoulement des Règles.

[pp. 217-219]



The Three Ages of Man and Death - Hans Baldung Grien, 1539


§ VII. Cessation des Règles. — Temps critique

La Cessation des Règles chez les femmes, ce que ces dernières appellent leur temps critique, leur retour d'âge, est souvent le signal et la cause d'un changement lent, mais profond et fâcheux, qui va s'opérer dans l'état ordinaire de leur santé. C'est à cette époque de la vie que tous les agréments extérieurs du corps disparaissent, que les traits de la figure s'altèrent, que la vie se désillusionne, et que la réalité apparaît dans ce tout ce qu'elle a de plus affreux, de plus triste pour la femme, qui n'a pas assez de force d'âme pour se résigner à oublier le monde et le passé, et à ne s'occuper désormais que du soin des quelques années qu'elle a encore à vivre, années dont le nombre sera subordonné au régime, à l'hygiène et aux précautions auxquels elle se soumettra.

Arrivée à cette époque de la vie, où les Règles sont rares ou très fréquentes, plutôt plus que peu abondantes, plutôt irrégulières que régulières ; où le sang qui s'écoule est plus pâle, moins vermeil, plus odorant que d'habitude, où tout enfin annonce que la menstruation va diminuer ou disparaître complètement, la femme doit se condamner au régime et aux soins suivants :

Alimentation douce, quoique plutôt fortifiante que débilitante, à moins qu'il n'y ait disposition à la pléthore ; exercice plutôt actif que trop peu modéré ; promenades, lectures, distractions agréables, saignées du bras quand il y a des douleurs et des pesanteurs de tête, des étourdissements, des bourdonnements d'oreilles ; sangsues à la partie interne et supérieure des cuisses, quand le sang se porte trop en abondance vers l'utérus, qu'il y a de la pesanteur dans les reins, les cuisses, le bas-ventre, etc. Toutefois cette émission sanguine ne sera pratiquée qu'autant qu'il y aura urgence, car il vaut mieux tirer du sang loin des parties sexuelles que trop près de ces parties.

Les lavements purgatifs seront donnés de temps en temps, pour éviter la constipation. On s'abstiendra des fatigues du cheval et de la voiture ; de tout plaisir secret, et autant que possible du devoir conjugal.

Beaucoup de femmes sont usage, dans leur temps critique, de l'Élixir dit de Longue vie, de celui dit Américain ; mais ces préparations alcooliques, amères et toniques, sont plus souvent nuisibles qu'utiles, et cela en irritant fortement la membrane muqueuse gastro-intestinale. Il est donc plus sage, généralement parlant, de s'en abstenir ; nous disons généralement, car il est des cas où quelques femmes en ont pris avec avantage à la dose d'un petit verre tous les matins à jeun. C'est à leur medecin ordinaire, à leur sage-femme, ou à leur accoucheur, de décider de l'usage de l'un de ces deux médcaments.

[pp. 220-222]


Extraits de : La médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres / Philippe Hecquet (1661-1737) : auteur présumé du texte. - G. Baillière, 1839.


Par ici la suite »
Related Posts with Thumbnails